Depuis quelques semaines Henri, mon mari, est contrarié, plus qu'à son habitude. Ce qui m'amuse car je connais la raison de sa mauvaise humeur. Il cherche un objet en particulier mais quand je lui demande pourquoi il furette autant dans la maison, il grommelle de me mêler de mes affaires et qu'il peut bien faire ce qu'il veut chez lui sans me demander la permission. Nos relations sont quelque peu houleuses ces dernières années. Vingt-trois années de vie commune usent un couple. Le nôtre n'a plus beaucoup de fils qui tiennent la trame tissée. Nous nous accrochons pourtant tous les deux, encore un peu. Paresse? Lâcheté? Notre histoire tire à sa fin car Henri, sans le savoir, vient de me fournir l'arme nécessaire pour partir la tête haute. Il ne soupçonne rien, trop occupé à poursuivre sa quête jour après jour. Aucun coin ni racoin de la maison n'est épargné. Ses tiroirs n'ont jamais été aussi propres et rangés. Ses dossiers classés, les factures bien triées dans un ordre parfait. Je l'ai même aperçu la semaine dernière qui triturait de vieilles boites dans le fond de sa penderie. Je suis convaincue qu'il les a fouillées les unes après les autres. Sans rien y trouver bien évidemment. Je le surprends parfois, assis, concentré, un crayon à la main qu'il appuie au centre de son front, à réfléchir à l'endroit où il aurait bien pu cacher ce qu'il cherche. Après la cinquantaine, la mémoire joue parfois de vilains tours. Je ne sais pas si c'est de la méchanceté mais je prends plaisir à le laisser mijoter dans sa soupe. Après tout, je lui en dois bien une à ce grand efflanqué malhonnête. Quand, par le plus grand des hasards, j'ai appris de source sûre que cet homme que je dorlote depuis plus de deux décennies se foutait de ma gueule depuis belle lurette, j'ai vu rouge. J'ai tout de même eu la sagesse d'attendre le bon moment mais surtout la bonne occasion. Je l'ai observé, épié scrupuleusement pour détenir la preuve de ce qu'on m'avait avancé. Et puis, un bon matin, c'est arrivé. Alors qu'il me croyait partie pour le bureau, je l'ai vu cadenasser un petit coffret qu'il a ensuite enfoui sous une pile de paperasse dans le fond du dernier tiroir de son bureau de travail. Puis, clef à la main, il réfléchissait à l'endroit où il pourrait bien la cacher. Et là, je l'ai vu la déposer dans une petite boite sous une pièce de monnaie de collection. Sans faire de bruit, je me suis éclipsée hors de la maison. Intriguée, je me questionnais sur le contenu du coffret ? À la première occasion, alors que je le savais occupé ailleurs pour quelques heures, je n'ai pu résister à l'envie de découvrir ce qu'il avait pris la peine de si bien camoufler. Quelle surprise j'ai eue! Sur le coup, j'ai éprouvé une grande colère contre moi, la pauvre idiote qui n'avait rien deviné mais j'ai vite tourné ma colère en rage contre Henri. « Salaud, tu vas payer ! » ai-je pensé. J'ai remplacé l'objet dans le coffret par un caillou de même poids et j'ai conservé la clef précieusement. Depuis ce temps, Henri la cherche partout, convaincu qu'il ne se souvient plus où il l'a rangée. Le temps de renflouer mon pécule, de régler certains détails avec mon avocat et de trouver un appartement confortable et bien situé, je remettrai la clef sous la pièce de monnaie ancienne, le jour où je le quitterai pour de bon. Une fois que j'aurai pris la poudre d'escampette, ce cher homme finira par retrouver ce qu'il cherche depuis des semaines et vérifiera sans aucun doute le contenu du coffret. Ce jour-là, j'aimerais bien être un petit oiseau perché sur le rebord de la fenêtre, pour voir Henri blanchir à vue d'œil en apercevant le contenu de sa boite au trésor. «Surprise!». Moi, j'aurai tiré une bonne somme de la bague à diamants qui s'y trouvait et qui porte l'inscription : «À Marilyne, mon nouvel amour, Henri, 2011». Cela défrayera le coût de la décoration de mon nouvel appartement.