A Saint Hilaire, en cette fin d'après-midi de novembre, Fanchon avait renoncé à faire quelques emplettes après sa journée de cours. Elle avait hâte de trouver la sécurité de la chambrée.
Elle logeait dans une de ces résidences situées à la sortie des faubourgs du quartier est de la ville. La résidence Alvéa comportait une quinzaine de petits logements. Beaucoup étaient occupés par des étudiants. Fanchon y partageait une chambre avec deux camarades. Cette chambre, agréable et bien aménagée, constituait un cadre chaleureux pour la jeune fille éloignée de chez elle. De plus, Caroline et Laëtitia étaient deux étudiantes avec lesquelles Fanchon s'entendait bien. Toutes trois avaient le même objectif : terminer cette année d'études avec succès.
Bien sûr, il lui aurait fallu se rendre à la librairie Saint Rusquin pour la commande d'un ouvrage spécialisé sur le carbone. Il lui faudrait aussi remettre au lendemain son passage au pressing Lenoir pour récupérer la robe qu'elle souhaitait porter lors de la soirée de vendredi à l'Institut. Elle avait hésité un moment mais le ciel déjà sombre et la menace de pluie avaient eu raison de son atermoiement. Finalement, elle s'était dirigée vers l'arrêt du bus n° 39.
Au terminus, arrêt Latécoère, Fanchon descend. Elle doit encore parcourir la rue Mermoz, petite rue faiblement éclairée, bordée des derniers immeubles de la ville. Elle marche vivement et malgré l'environnement familier, elle se sent inquiète. Le côté paradoxal de la situation l'étonne. Frissonnante, elle accélère le pas lorsque, de l'encoignure d'une porte d'immeuble, un homme de grande taille, au visage émacié, surgit brusquement devant elle et la bouscule, elle sent le souffle de son haleine. Il la dépasse puis s'engouffre dans la ruelle de droite. Sous l'effet d'une panique irraisonnée, Fanchon se met à courir et, sans se retourner, parcourt le reste du trajet jusqu'à la coquette résidence. Elle arrive toute essoufflée au deuxième étage devant la porte de l'appartement 202, où elle sait trouver Caroline occupée à finaliser la mise en forme de la présentation à produire le lendemain. Elle déboule littéralement dans la pièce et, encore haletante, s'enfonce dans la mousse des coussins du canapé. Voyant sa camarade tourneboulée, Caroline interrompt son activité, essaie la calmer et lui demande ce qui s'est passé. Fanchon raconte, puis elles échangent quelques propos. Au bout du compte, il ressort qu'il s'agit d'une frayeur injustifiée.
Rassurée, Fanchon accepte volontiers la bonne tasse de thé que Caroline lui propose et toutes deux se remettent au travail. Laëtitia ne tardera pas à les rejoindre.