Pas si facile de faire un portrait. Jacques Prévert plantait un décor avec une cage et des couleurs. Comment dessiner un aéroport, des avions qui décollent et qui atterrissent toutes les minutes. Et pourtant c’est bien là que mille visages défilent, quand pour des raisons que je ne développerai pas, car tel n’est pas le propos, vous vous trouvez loin de chez vous dans une ville que vous connaissez à peine, et que vous ne parlez absolument pas la langue et qui utilise de surcroît un alphabet autre que l’alphabet français.
Entre les navettes d’un terminal à l’autre et les moments d’attente que faire ? Lire ? Trop de bruit. Des mots croisés ? Cela finit par ajouter à la fatigue ; Alors quoi de mieux que d’observer les passants.
Il y a ceux que vous ne voyez pas et ceux qui vous laissent indifférents. Et puis il y a les autres, ceux qui attirent votre regard comme cette superbe jeune femme aux cheveux si lisses qu’elle doit certainement prendre un fer à repasser tous les jours, la peau tellement bronzée qu’elle a probablement dévoré tout son capital soleil, des yeux qui regardent au loin cherchant désespérément son âme sœur, le tout accompagné d’un déhanchement rythmé au son de talons « super » aiguille ; c’est ainsi que l’on se dit que le corps humain est particulièrement bien fait et solide pour tenir debout en équilibre sur deux timbres-postes.
Mon regard poursuit son chemin et s’arrête sur une gamine, pardon, une néo ou préadolescente dont la démarche et la tenue sont d’une grande insolence. Pourtant elle a des joues enfantines et rebondies malheureusement poudrées et colorées de blush. Les yeux barbouillés au Khôl noir qui lui durcit les traits, lui fait perdre sa fraîcheur de jeune fille. Vêtue d’un jean collant et d’une bricole à bretelle découvrant un nombril orné d’un piercing elle mâche un de ces horribles chewing-gum et vous gratifie en même temps qu’un regard assassin d’une bulle qui éclate avec un bruit mat.
Laissons ici cette jeune demoiselle et contemplons ce couple : Oh plus très jeune assurément ! Ils sont assis côte à côte, se glissant parfois quelques mots. Lui les cheveux poivre et sel très courts pour ne pas montrer une certaine calvitie, une peau un peu rouge de soleil, des yeux bleus immenses avec une douceur dans le regard quand il se tourne vers son épouse toute menue les cheveux ondulés d’une permanente récente et des reflets argentés légèrement rosés. Son petit tailleur d’été lui sied à merveille, une coupe un peu ancienne mais impeccable dans les tons classiques marine que soulignent des lisérés blancs. Leur bonheur se lit sur leurs visages, peut-être voyagent-ils pour la première fois, les valises ont un aspect de neuf, et que la peur de se perdre les font se protéger l’un l’autre. Elle ferme parfois les yeux pendant que lui veille. C’est si long d’attendre….