Les policiers encerclent la maison.
Au loin, un chien aboie. Le soleil brille dans l'immensité du ciel uniformément bleu. La chaleur atteint les 40 degrés.
Le meurtrier a réunis les corps sur le grand tapis blanc du salon. Les victimes baignent dans une mare de sang nauséabond.
Des éclaboussures rougeâtres sur les murs, les meubles, jusqu'aux fenêtres.
Une femme et un homme, la quarantaine. Une petite fille de huit ans. Tout trois sauvagement poignardé. L'aîné des enfants, un blond garçon de douze ans a mystérieusement disparu, ainsi que l'assassin.
L'affaire sera classée non élucidé. Bien trop vite bâclé dans ce village isolé de hautes montagnes.
Huit ans plus tard.
- Louna! Il faut rentrer maintenant, le déjeuner est prêt.
La fillette quitte à regret la balançoire que son père lui a installé la veille, sous un haut marronnier. Une planchette maintenue par deux cordes suspendu à de solides branches feuillues.
La porte de la maison est grande ouverte sur une verte prairie.
L'enfant se déchausse sur la marche en ciment de l'entrée et pénètre dans la pièce principale, qui sert d'un côté de salon et de l'autre côté de cuisine.
Elle se lave les mains à l'évier, se ressuie et s'installe à la table.
- Maman, cette armoire me fait peur---
Se plaint Louna assise juste en face du vieux meuble.
- Chérie, quand vas-tu te décider à le nettoyer et à jeter tout ces ustensiles usés ?
Demande Philippe, son mari.
Tout deux sont attablé l'un en face de l'autre.
- Je préfère laisser ce petit coin au passé, ainsi j'ai l'impression que les précédents locataires acceptent notre venue dans "leur" maison.
- Cette maison est à "nous!" Je l'ai acheté pour que nous y soyons heureux pendant de longues années.
La jeune femme sourit tendrement à son époux et se tourne vers sa fille.
- Louna, pourquoi es-tu effrayée par ce vieux meuble? Est-ce cette délicate dentelle d'araignée ou ce charmant couple d'escargots qui si promène tranquillement, qui te chagrine?
- Non, j'aime les fragiles escargots et les araignées ne me dérange pas. Mais---il me regarde--- Souffle t-elle dans un murmure.
Sa mère se lève, la chaise grise sur le carrelage, et ouvre les deux portes du buffet bas.
Vide, sans planche intérieure, poussiéreux, sans fond à même le mur de briques.
- Regarde ma belle, il ni a rien ni personne. C'est seulement la cachette du temps qui passe.
Léa referme et revient s'assoir à sa place. Elle pose sa main sur celle de l'enfant en souriant, confiante.
- Il faut laisser un peu de place aux souvenirs. Dans quelques jours, lorsque nos empreintes seront posées partout. Alors ton père transportera ce meuble dans le garage. Ca te va comme ça?
- Oui---maman.
Mais son visage enfantin reste troublé. Et bien qu'elle s'efforce de regarder ailleurs, immanquablement ses yeux se posent sur le trou de serrure en dessous des deux tiroirs.
Juste au moment ou, un oeil la fixe, cligne, la fixe de nouveau.
Louna est allongée sur le canapé du salon.
Son chat gris, Minou, ronronne à ses côtés. Pour la troisième fois, Léa retire le gant posé sur le front de l'enfant. Elle le trempe dans une petite bassine d'eau froide qui se trouve sur la table base et le replace délicatement sur son front.
Depuis la veille au soir, Louna à très mal à la tête. Le sachet de poudre du pharmacien n'a pas produit son effet calmant.
Philippe vient de téléphoner.
Sa voiture est en panne et à du être remorquer dans un garage de la ville voisine, en bas de la montagne.
Il demande à Léa de venir le chercher avec la camionnette.
- Je ne serais pas longue, une heure tout au plus. Toi, tu en profites pour faire une petite sieste. Tu fermes tes jolis yeux bleus et quand tu te réveilleras, je serais prés de toi avec papa.
Elle dépose un doux baiser sur le nez chaud de son enfant.
- Je t'aime ma douce.
- Je t'aime---maman.
La jeune femme se relève, prend son sac à main et ses clefs. Elle se dirige vers la porte, se retourne et sourie en envoyant un autre baiser du bout des doigts vers la petite malade.
La porte se referme, le cliquetis de la clef dans la serrure et le silence s'installe.
Louna ferme les yeux.
Etrangement, le silence---respire.
Une brise légère passe à travers les feuilles frémissantes du haut marronnier. Les étoiles scintillent dans la nuit bleue. La balançoire se berce, légèrement.
Soudain, un cri déchire l'espace montagneux. Un mélange d'horreur, de colère, de douleur---d'impuissance.
Le lendemain matin, huit heures.
Une brigade de policiers quadrillent les alentours de la maisonnette au toit de tuiles rouge.
Le chef de l'unité scientifique pousse la porte en bois, suivi de ses six équipiers chargé du matériel de recherche.
Du sang sur le canapé et sur la table basse.
Des trainées rouge sur le sol traversant le salon jusque dans la cuisine, vers le vieux meuble.
Dessus, les miniatures d'une église et d'un lit bloqués entre quelques victuailles.
Eparpillé sur le sol, de la vaisselle brisée.
L'une des porte du placard est entre ouverte.
Un policier rapporte.
" Se sont des voisins qui ont découvert le carnage. Ils ont entendu les hurlements du couple et se sont précipités pour secourir leurs amis.
Hélas, il ni avait plus rien à faire que de prévenir la police. Nous nous sommes alors immédiatement rendu sur les lieux.
La dame était agenouillée devant le canapé. Ses mains balayaient le sang qui le recouvrait.
Le monsieur fouillait chaque recoin de la cuisine dans un fracas de vaisselle cassée. Ses propos étaient incohérents. Il semblait chercher un enfant, sa fille.
Nous les avons transporté de force vers l'hôpital le plus proche, trop choqués pour subir un interrogatoire au poste de police.
Les voisins affirment qu'une fillette habitait bien ici, environ huit ans.
Mais à première vu nous n'avons trouvé aucune trace d'un corps blessé ou mourant. "
Ce que le policier ne dit pas, c'est que c'est la quatrième fois que cette demeure est le théâtre de crimes atroces, non élucidés.
Cette fois ci, la police scientifique passera deux jours et deux nuits à relever des indices, innocentant les habitants de la maison.
Etrangement, toutes leurs déductions les ramènent toujours devant le vieux meuble de cuisine.
Celui ci est alors décloué du mur et déplacé. Les briques sont vus et revus, minutieusement, une par une. Jusqu'à ce qu'une main de policier actionne par hasard un minuscule mécanisme, une pointe de métal en parfait relief avec la brique.
Le mur s'ouvre sur un débarras exigu, vide. Au sol une trappe donnant sur un étroit escalier en bois et aboutissant dans une salle obscure.
L'odeur est insoutenable.
Trois lampes torches sont allumées et balayent l'espace découvrant un horrible spectacle.
Un jeune homme blond d'une vingtaine d'années, vêtu de haillons, sale, sourit aux policiers.
Il est assis autour d'une table comme pour prendre un repas. A ses côtés, un couple en décomposition très avancée et la fillette mystérieusement disparue, le corps ensanglanté, sans vie.
L'arrestation se fait sans aucune résistance. Le garçon est emmené directement au centre psychiatrique de la prison la plus proche. Un peu plus tard il racontera très clairement son histoire.
Lorsqu'il était encore bébé, ses parents décidèrent de vivre dans ce lieux isolé de hautes montagnes, par amour de la nature.
Sa petite soeur naquit dans cette maison et ensembles ils coulaient des jours heureux.
C'est son père qui était un homme méfiant, qui avait creusé le sol et fabriqué cet abri, en cas d'agression.
Il avait vraiment insisté pour que son fils, Antoine, prenne toujours soin de sa petite soeur.
Un jour maudit, un individu passant par là leur demanda sa route. Profitant de la générosité d'un verre d'eau dégusté sur le seuil de la maison, il massacra la gentille famille.
Antoine revoyait le couteau plonger plusieurs fois dans le ventre de son père.
Puis de sa mère ou s'agrippait la petite Marlène en pleure, lui tendant une main---qu'il ne pourrait plus jamais attraper.
Il n'eut que le temps de se glisser dans le buffet bas pour échapper à la tuerie, entendant les cris atroces de l'enfant, mise à mort.
Il resta caché là pendant de longues heures, sans osé sortir. Les yeux fermé sur l'abominable, agrippant les tiroirs, les mains ressortant à peine.
Il se souvenait de l'aboiement d'un chien dans le lointain.
Le claquement des portières de voitures. Des éclats de voix et du remue ménage dans la maison qui le forcèrent à se cloitrer dans l'abris souterrain.
Puis le silence, oppressant, solitaire.
L'assassin, sans doute, avait réussi à s'enfuir. Il ne savait pas, il ne vivait plus qu'au rythme des locataires qui se succédaient.
Jusqu'au jour où il eut l'idée de se collectionner une famille, pour ne pas mourir complètement.
Il commença par kidnapper une femme, laissant le mari libre. Puis il enleva un homme, laissant sa compagne libre. Et en dernier, la petite fille, laissant les parents libres.
Bien sur, il fallait les tuer pour ne pas qu'ils s'échappent, qu'ils n'alertent personne, et surtout qu'ils ne l'abandonne pas.
Antoine rependait le sang un peu partout dans le salon, avant de faire disparaître les corps dans la cachette familiale.
Son but était enfin atteint, il avait réuni "sa" famille!
En bas, il pouvait prendre soin d'eux en leur fessant de la lecture et en leur servant des repas qu'il dérobait chez les locataires du haut.
Il fut jugé irrécupérable à reprendre une vie normale. La justice décida son placement à perpétuité dans un hôpital psychiatrique.
La maison fut à nouveau mise en vente.
Dans la cuisine nettoyée et rangée, le calendrier du temps envolé attestait du mystère.
Accroché au mur, la lampe de poche retenait dans son faisceau les vies éternellement endormies.
Quand au trousseau de clefs, il garderait l'esprit cruellement éclaté d'un innocent garçonnet blond de douze ans.
Un peu de terre en bas du vieux meuble, suffit à faire pousser une jolie rose rouge, chaque année, à la même date, comme pour un anniversaire, celui du bonheur assassiné.
Se que je ne m'explique pas dans cette histoire, c'est ces petits doigts dépassant quelques fois "encore", des deux tiroirs du vieux meuble dans la cuisine ?