Clac, clac, clac…
De bois je suis, de bois je serai… Mais que croit-elle ? C’est toujours pareil quand un coup de folie la prend, moi je me paye un bon coup de froid et mes planches souffrent de tous ces va et vient, de ces balancements… Mon écharpe ne va pas résister, je vais la retrouver en charpie et mes bandeaux ? Mes bandeaux seront-ils assez serrés ?
Clac, clac, clac…. Et la tempête qui sévit… Serai-je à la charnière de notre histoire ? Je ne sortirai pas de mes gonds…De bois je suis, de bois je serai.
Elle m’a encore mal accroché.
Que croit-elle ? Que je peux me faire refaire une beauté tous les ans ? Me faire revernir ? Re-peinturlurer… Elle sait pourtant bien le coût que ça fait un check-up, c’est pas donné !!! Décidément elle est bien frivole ces temps derniers… J’aurais dû écouter mon amie la persienne qui m’avait prévenu, depuis que son son cher Franck s'est barré… et son mari aussi… Drôle de coco celui-là… qui ne parlait jamais mais espionnait toujours à travers la jalousie …
Et pourtant quand elle est arrivée dans cette maison tout en haut de la colline qu’elle était contente de me voir mes frères jumeaux et moi…. Oh qu’ils sont beaux, qu’elle a dit , tout à l’ancienne comme avant….Bien rugueux avec leurs croisées, un peu de peinture peut être pour les rafraichir ! Surtout celui-là, celui de ma chambre…Alors du bleu ?? Un bleu tunisien ? Non, nous ne sommes pas à Sidi Bou ce serait mal venu, trop de souvenirs, des bons, des moins bons sous les parfums des bougainvilliers et des galants de nuit… Un bleu lavande, c’est mode. Allez que je te ponce, que je te vernisse, que je te reconsolide et me revoilà fringant et prêt à tous les services de nuit comme de jour… Quand vous voulez ma belle dame, il suffit de se pencher un peu, de tirer le battant et de m’amener à vous. Je vous protégerai des bourrasques d’automne, du froid de l’hiver, des fortes pluies du printemps, de la chaleur et du soleil aveuglant de l’été et quand vous le voudrez, vous m’ouvrirez que j’inonde votre maison de clarté et de mimosas …
Et ainsi fut fait… A nouveau chaque matin, je me donnais au vaste monde, elle buvait son café devant la fenêtre à laquelle elle avait mis de ces petits rideaux désuets à crochets…Ah oui ! Le bon temps, le temps où je ne crissais plus des jointures, tout huilé, tout paraffiné… Je me souviens…. Combien elle sait être douce et tendre, quand avec complicité elle me tire à elle vers la maison, qu’elle s’isole parce que la pénombre lui sied, ou quand un chagrin la submerge et qu’elle coince les battants, se met à l’abri et se cloître sous les couvertures …Ou alors tout simplement à la fin de la journée quand elle calfeutre sa maison, et vestale des lieux, se prépare à la nuit, allumant les bougies. …Ou alors encore lorsque sous le feu de la canicule, elle plonge la maison dans l’ombre fraiche d’un après midi et que tout est silence et volupté, elle paresseusement allongée sur son lit, dévorant son livre du moment…
Quelle ingrate ! Elle est encore partie sur un coup de folie, elle m’a laissé là sans m’accrocher et toute la nuit, clac, clac, clac… Je vais grincer, geindre, gémir. Au petit matin que serai-je sans elle si elle ne revient pas ? Qu’un volet au bois dormant abandonné…
Alors où est-elle et que lui a-t-il pris de partir ainsi à la va vite sans même prendre le temps de me fermer correctement. Et voilà que toute la nuit je vais claquer… Clac, clac, clac…
Résisterai-je à ce grand vent qui sévit et me malmène ? Elle est partie ! Est–elle allée cacher de nouvelles amours ? A l’abri de quel godelureau de store vénitien moderne ? De quel store roulant voyeur? Et moi alors ? Je vais claquer toute la nuit ? Combien de nuits ? Clac, clac, clac…
C’est à en rendre son tablier !