Je t'ai vu
Sous le soleil d'un matin
Courir nu
Dans l'espoir de trouver
Une perle sacrée
Sur la grève de sable fin.
Un coquillage à la main
Je t'ai vu
Marcher droit devant
Le regard au levant
Vers tes rêves récurrents.
Je t'ai vu passer simplement
Au coin de ma rue
Rêveur en sifflant
Un air connu.
Oui je t'ai vu
Oser lever le nez
Sur le fantôme du malheur
Occupé qu'il était
À se faufiler
Entre les gens pressés
Aux regards hagards.
Sur les aléas de ma vie
Sans cesse délestés
De leur pouvoir destructeur
Je t'ai vu repasser
Sans te retourner
Vers ce que tu avais vu
Dans mon cœur enfoui
Et qui s'appelait le bonheur.
Je t'ai vu
Pleurer seul dans ton coin
Ce que tu avais perdu
Et regretté en vain
D'avoir abandonné en chemin.
Je t'ai vu
Oui je t'ai vu
Voler un baiser
Au temps perdu
Qui avait lui aussi
Perdu son temps
À vouloir aimer
Son pain perdu
À tes côtés.
Je t'ai vu souvent
Perdu dans le temps
Perdre le temps que l'amour
Déposait à genoux
Devant tes pas perdus.
Je t'ai vu bien malin
Boire au calice
Le sang répandu
Que tenait menue
Ta main tendue
Vers le souvenir disparu
Sur tes lèvres charnues
Et mordre celles retenues
Rencontrées au hasard de ton destin.
Affolé d'émoi
Je t'ai vu courir
Vers la joie éperdue
Que tu avais saupoudrés
Sur les yeux aux abois
De celui qui a vu
Ce que tu as bu.
Je t'ai vu danser
Sous les étoiles de minuit.
Sur des rimes méconnues
Je t'ai vu valser
Au bras charnu
Du feu de Bengale.