Un temps après ma nomination au Prix des Libraires, Roger, mon éditeur et ami, m'avait appelée.
- Je vous offre le champagne, Marie. Je vous l'avais bien dit que votre livre était formidable ! Et puis, j'ai une proposition à vous faire, j'ai des projets pour vous. Venez ce soir à 20 heures, j'ai invité quelques amis qui ont adoré votre livre ; nous réveillonnerons ensemble, je suis impatient de vous voir.
- Voyons Roger, vous n'y pensez pas. Et vous savez bien que cotillons et paillettes ne sont pas mon genre. Non, je n'ai aucune envie de venir.
- Marie, allons, je n'aime pas vous savoir seule.
- Guy est mort, n'est-ce pas ? Vous savez la passion qui nous unissait. Vous savez bien aussi pourquoi mon livre s'intitule « Le dernier baiser ». C'est avec lui que j'aurais aimé partager ce succès dont je ne sais que faire.
- Marie, Marie, la vie ne nous est offerte qu'une fois, plutôt que de la pleurer, venez la célébrer, cela vous fera le plus grand bien. Guy est mort depuis 3 ans maintenant, rien ne vous le ramènera, et votre vie continue. Et puis, je ne vous propose pas le bal des débutantes, une simple soirée conviviale en compagnie agréable.
- Je suis devenue sauvage et la perspective d'une longue soirée autour d'un banquet n'a rien d'enchanteur, loin s'en faut.
- C'est une formule- buffet et ma frugalité s'accommode mal de cette abondance de mets trop souvent proposés et perdus, vous me connaissez. Marie, nous serons peu nombreux : le goût des mondanités n'est pas des miens non plus, mais j'ai quelques amis chers que je veux vous faire rencontrer, ils vous aiment déjà.
- Peut-être avez-vous raison, et c'est bien parce que nous sommes amis que je me rends à votre invitation, avec plaisir après tout. Prévoyez un grand vase, j'ai l'intention de vous amener un gros bouquet du houx magnifique de mon jardin. J'ai encore des épines…
- Je vous attends avec joie, vous et votre bouquet.