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Je venais de sortir du bar des sports, il était vingt heures trente, la nuit était tombée depuis un petit moment. Un petit vent frisquet rafraîchissait l’atmosphère, l’automne était bien là.

À cette heure, peu de véhicules circulaient et la rue était étonnamment silencieuse. Seuls, des bruits de pas : les miens avec les fers des chaussures qui résonnaient sur le pavé,  néanmoins, je me rendis compte qu’insidieusement d’autres pas s’étaient joints aux miens et frappaient le sol de pareille manière, un peu décalé certes, mais semblant imposer une cadence emprunte à la longue, d’un certain mimétisme inconscient.

Cela faisait bien dix minutes que je marchais et le rythme était constant. J’en fus intrigué quand même, j’étais suivi ! Mais, pourquoi me suivait-on ? Qui pouvait bien me faire suivre et pourquoi ? J’étais de plus en plus subjugué ! Qu’ai-je donc fait ? « Ce n’est quand même pas ma femme qui me fait suivre, notre couple tangue un peu en ce moment et le divorce n’est peut-être pas loin, mais quand même ! Qu’aurait-elle à me reprocher ? »

Je me décidais enfin à me retourner au gré d’un changement de rue. Il me suivait toujours ! Je tentais de le dévisager. C’était un homme plutôt grand et pour le peu que j’en vis, très mince, bien habillé, un visage d’ascétique qu’essayait d’habiller une moustache relevé en bacchantes. Lorsqu’il me vit, il me décocha  sans ciller un sourire qui me parut pour le moins moqueur. Il était toujours à une dizaine de mètres derrière moi. Mon pas avait toujours son écho une petite seconde après. Intriguant ! Que me voulait-il donc ? Il me restait encore pas mal de chemin pour arriver chez moi. C’était interminable ! J’avais espéré, au gré d’un changement de rue, rencontrer du monde et pouvoir ainsi me dérober à ce qui avait tout l’air d’une filature, mais rien, ni personne dans les rues à cette heure, que moi et l’autre. Je devais donc, contre toute attente, poursuivre mon chemin, je verrais bien après ; pour le moment, je me contentais de jeter un œil sur le côté pour apercevoir l’autre dans le reflet des vitrines encore éclairées.  L’autre marchait, imperturbable tel un métronome. Je n’osais ralentir comme par peur que l’on se rencontre. D’ailleurs, que lui aurais-je dis ? Nonobstant cela, la situation était de plus en plus intolérable pour moi. Je n’osais même plus rectifier mon rythme de marche de peur de ne plus reconnaître le bruit de ses pas, des miens… ses pas, les miens…Je me sentais obligé de continuer à la même allure ! Mes mains recroquevillées dans mes poches formaient deux ridicules boursouflures sur mes jambes de pantalon, mais je continuais néanmoins de serrer les poings avec l’envie de frapper et aussi de m’arrêter, me retourner, de lui crier de cesser son manège, de suivre un autre chemin, et me laisser tranquille ! Sinon ?… et pour finir, envoyer par dépit un crachat sur le pavé.

Maintenant il n’y avait plus de vitrines, que des entrés d’immeubles offrant une béance ténébreuse, là, le bruit ne résonnait plus aussi fort. Il était très atténué. Je croyais même à un moment ne plus l’entendre. J’approchais maintenant de chez moi. Plus aucun bruit, à peine croyable ! Pour m’assurer que l’autre n’était plus là, je me décidais à m’arrêter. Je me déchaussais pour arrêter ce satané bruit de fer sur le pavé. Je tendis l’oreille. Rien, plus aucun bruit ! Une solide migraine par contre s’installa dans mon crâne, me donnant à nouveau l’impression de toujours entendre des bruits de pas de l’autre. J’eus même l’impression de réentendre les miens ! Me retournant, je ne voyais pourtant personne. Il n’y avait que moi et j’étais là, nu pied sur le pavé froid et humide. Mes chaussures dans une main et dans l’autre, ma clef que j’introduisis dans la serrure, j’essayai de la tourner, mais ça ne fonctionna pas. Énervé, je la ressorti et tapa énergiquement du poing sur la porte. Au bout d’un petit moment, j’entendis des pas et on vint m’ouvrir. La dame sembla de fort mauvaise humeur !

 

Vous êtes encore ivre comme tous les soirs ! C’est la porte d’à côté, vous savez plus reconnaître votre droite de votre gauche ! À toutes les fois c’est pareil !

 

 

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