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Aux battements moroses de sa solitude, l’homme à l’imper froissé peinait sur une route désertique. À vouloir fuir l’ombre silencieuse, son cœur s’emballa.

                Le regard absent vers le bitume, il ne put empêcher la cuisante lassitude au visage familier de lui enserrer la gorge. L’âme au noir, le dos voûté, il marqua une pause. Comme une flamme gracile devant la douce brise du soir, il vacilla jusqu’à presque s’écrouler sous le poids de son horrible secret.

                Dans sa poche, les pages abîmées d’un livre inachevé gisaient ciselées par les affres du fantôme de ses peurs. Entre les interlignes griffonnées à même sa rage retenue, s’étalait l’histoire mutilée, amputé de l’unique chapitre d’un amour clandestin.

                Il n’y put rien. Ses ardentes pulsions, insatisfaites d’avoir trouvé comme exutoire la fuite vers d’incultes terres recluses, se perdirent entre deux virgules maculées de la lourdeur d’un si long hiver. L’éclat dans son regard pétillant s’assombrit. Avec la force de l’habitude, l’exécrable ressac de cette mer agitée vint s’abîmer, se briser en mousse d’écume grisâtre sur les parois de son cœur déchiré. Sous le masque de la couardise, l’âpre rappel de l’amertume dormait entre les bras vulnérables de sa médiocrité.

                Il arrivait déguisé en loque humaine, au début automnale de sa propre vie. Cette rencontre charnière fut pour lui l’occasion fortuite de réaliser qu’il méritait de vivre pleinement et bien davantage. Hélas, il était déjà trop tard. Trop tard pour penser à rêver. Trop tard pour croire qu’il pourrait un jour l’apprivoiser.

                Le mal était fait. Il irait brûler en enfer. Un feu intolérable le dévorait de l’intérieur, là où le couteau à deux tranchants abandonna ses stigmates purulents. Il aurait pu mourir de cette passion cachée. La honte montait en lui. La sève du remord coulait toujours dans les veines toutes chaudes de cette idylle inavouable. Il avait trop mal. Un océan de larmes fendit son âme de rêveur indompté, alors que l’autre plage cachée de sa vie palpitait encore ailleurs.

                Il se sentait coupable de haute trahison. Coupable d’aimer autrement. Coupable d’oser faire des rêves fous. Coupable d’avoir souhaité lui en dire davantage. Mais il en fut incapable. Il avait eu si peu de temps pour imaginer ces yeux couleur d’azure comme l’occasion merveilleuse d’un bonheur véritable. Ce brasier crépitant au soleil de minuit, ce simple havre où amarrer sa coquille vide, fut un mince passage dans l’espace plein de ses tourments roturiers.

                Les rayons printaniers aspiraient à réchauffer son cœur sous les bourgeons accrochés au rythme de son exode. Ressentir cette lame encore rouge de l’orage passé devenait la preuve irréfutable de sa passion incontrôlée, morte avant même que d’éclore au grand jour.

                Alors que se déchaînait la furie en traits marqués sur son visage décharné, l’inconnu parcourut les derniers mètres de route en méandres, serrant les poings avec le désespoir du vaincu. Une part de lui-même l’avait trahie.

 

Tag(s) : #Textes des auteurs
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