La roue tourne. Bruit de crécelle, accéléré par la vitesse. Tourne, tourne la chance, tourne. S'espaçant de plus en plus, les clacs-clacs de la crécelle accompagnent le mouvement qui ralentit. « Le numéro huit ! » Je regarde mon ticket :neuf.
Je joue, rejoue, fascinée par ce mouvement, la chance va bien tourner. Sonorités de crécelles, odeurs sucrées, cris faussement hystériques.
Dans la baraque aux confiseries, le sucre fondu a pris des couleurs. Rouge foncé, un lourd ruban translucide s'étale sur le marbre, quelques noisettes prisonnières. Le confiseur prépare du nougat.
Une petite fille s'éloigne, tenant un fuseau rose, qu'elle dévide à petits coups de langue.
Hum ! Le goût éphémère de ce nuage vaporeux. Sur ma langue reste un peu de sucre au parfum de fraise. Ma main colle. Je la lèche, promène ma langue autour de ma bouche poissée.
Manège enchanté ; les bambins, hauts comme trois pommes, ne savent que choisir, qui du cochon rose joufflu, ou voiture de l'espace. Tourner le volant, ou se laisser porter béatement, souriant courageusement à maman, que l'on craignait d'avoir perdue.
Plus tard, ce même bambin, devenu grande asperge , sera là-haut, lui aussi, tenant fermement la barre de sécurité d'une nacelle, plongeant dans le vide, petit creux au ventre, émotion assurée.
Un ours gigantesque passe, peluche convoitée et gagnée ; heureux coup de carabine. Combien de ballons crevés, ou cibles du même genre, atteints, pour se retrouver encombré de ce phénomène ? Instants satisfaits, l'objet de convoitise est enfin à moi. Gros câlins, nez enfoui dans la fourrure de cet animal ; d'autres, moins chanceux, envient ma bonne étoile.
Charivari, retour à la maison.
Les forains ont éteint les lumières ; s'en sont allés, emportant avec eux leurs fabriques de rêves inachevés.