Marie observe la boîte sur toutes ses coutures. Elle lui trouve un air changé. Elle la secoue de plus belle. En effet, ça bouge à l'intérieur.
Marie pose la boîte-énigme sur le banc. Intriguée, elle l'ouvre, prenant mille précautions. « Et si c'était un oiseau ? pense-t-elle. Il ne faut pas lui faire peur. » Le couvercle tourne doucement, lentement ; un des coins se relève. Plus de bruit à l'intérieur. D'un seul coup le couvercle saute; une tête jaillit hors de la boîte.
Marie éclate de rire. La tête, grotesque, roule de gros yeux étonnés. Perchée sur un long cou-accordéon, elle se balance, comiquement.
Marie rit de plus belle, frappant des mains. La tête adopte la cadence. Marie a remarqué le manège ; cesse ses mouvements, la marionnette s'arrête. Marie tourne et chantonne. La marionnette fait de même. La bouche aux lèvres rouge groseille accompagne le chant de Marie.
Marie s'interrompt, fascinée : « Comment t'appelles-tu ? »
- Comment t'appelles-tu ?
- Moi, c'est Marie.
- Moi, c'est Marie.
- Puisque tu répètes tout ce que je dis, je vais t'appeler Echo.
- Marie, bravo. Mon nom, tu as deviné. Je te donne un baiser.
- J'ai trouvé, tu es Echo le Poète.
- Et oui, petite Marie. Regarde bien dans ta boîte ; tu y trouveras plein de poésies.
Marie fouille et voit d'innombrables feuillets, recouverts d'écritures différentes.
- C'est toi qui les as écrits ?
- Non, ce sont des gens venus du monde entier. Ils ont bien aimé ton idée ; alors chacun a voulu t'offrir un poème.
- Oui mais, je ne sais lire que ma langue maternelle.
- Cela n'a pas d'importance. Je te traduirai les autres.
Marie en choisit un en tibétain :
Mon papa, en prison,
Les chinois ont mis.
Le Tibet libéré,
Il a demandé.
Un autre, en tchétchène :
Il nous ment,
Notre président.
De mon frère aîné,
Qu'a-t-il fait ?
D'autres poèmes d'Amérique, d'Inde, d'Afrique ; d'autres poèmes à voyager et faire le tour de la terre ; des mots d'amours et d'abondances, de joies et de plaisirs, de fééries et spectacles heureux ; des témoignages de la vie d'ailleurs et d'ici.
Et chaque fois Echo le Poète traduit.
Les gens du village se sont rapprochés, amusés et intrigués de cette scène inattendue, Marie, la petite Marie et ce personnage de Carnaval. Puis ils ont écouté, émus, graves, souriants, ces paroles cosmopolites. Ils se sont sentis transportés ailleurs, là-bas, où le monde est différent, aussi beau, plein de douces choses, mais aussi de cruelles.
Ils ont applaudi, fiers de Marie, qui leur a apporté cette connaissance.
L'un d'eux a pris la parole : « Mes amis, vous tous, pour remercier Marie, je vous propose de nous réunir tous les ans sur cette même place, à la même date. Nous appellerons ce jour Jour de la Fête Multicolore. »
Des voix s'élèvent : « Ouais, bravo, tu as raison. »
« Mais n'oubliez pas, penser aux autres, un jour, c'est bien, mais il faudra aussi leur consacrer de notre temps et de nos bonnes volontés, chaque jour de notre vie. »
Dans le village de Marie, s'institua, en plus du Jour de la Fête Multicolore, un comité humanitaire, destiné à collecter des fonds, objets utiles ou frivoles, pour tous, grands et petits, jeunes ou vieux, pays nantis ou déshérités.