Pour la centième, millième fois, elle ne sait plus, elle part vers ce commissariat, dont elle n'a jamais pu franchir la porte, honteuse, incapable de croire à ce qui lui arrive, une fois de plus, souffrant dans sa chair et dans son âme, espérant toujours le bonheur.
Bureau poussiéreux. Bruits de claviers, voix d'hommes.
- Je viens porter plainte.
- Contre mon mari.
Le fonctionnaire de police se fait plus attentif.
- Asseyez-vous madame. Je vous écoute.
Elle s'affaisse. Libérant ces pleurs, retenus trop longtemps.
- Je vous apporte un verre d'eau.
- Prenez votre temps.
C'est alors qu'elle comprend, qu'elle aurait dû venir la première fois. Pourquoi ne l'a-t-elle pas fait ?
Elle a cru, pauvre malheureuse, qu'elle pouvait tout arranger. Elle a cru, à en devenir folle d'angoissantes obsessions, qu'elle pouvait s'améliorer pour mériter son amour à lui.
Elle ne vivait plus que pour lui, son estime, ses gestes d'affection. Mais cela n'allait jamais.
Il avait toujours quelque chose à lui reprocher.
Alors, elle se repliait sur elle-même, n'osant échanger avec les autres, qui admiraient tellement ce compagnon brillant, cultivé, avenant.
Il l'enfermait peu à peu dans un espace clos.
Sans soutien moral, elle avait parfois des envies de hurler.
Elle s'était éloignée de ses relations amicales, lui les trouvant nulles et sans intérêt.
Que n'aurait-elle fait pour mériter son amour ?
Son amour, elle le voyait aujourd'hui, n'était que narcissisme.
Ce narcissisme, l'enveloppant de cette séduction, qu'elle prenait pour de l'amour. Cet amour avec un grand A, que depuis trop longtemps elle cherchait à vivre.
Proie facile, elle avait été manipulée, aveuglée par ces grands serments sentimentaux, qui n'étaient que poudre aux yeux.