Je n'oublierais jamais cet été de l'année deux mille.
Je venais juste d'essuyer de successifs échecs dans ma vie professionnelle si bien que le moral en fut rudement ébranlé. Il me fallait donc à tout prix quitter cette ville, ce lieu de travail, ces
gens.Il me fallait à tout prix changer d'air m'évader.
Je décidai alors de déménager dans le vieux manoir de mon feu grand-père Hadj Ghrib qui habitait à la campagne au nord du pays.
C'était une assez grande bâtisse qui datait du XVIIIe siècle. Elle comportait un rez-de-chaussée décoré en terre cuite et dans lequel se trouvait une très belle cuisine en orme massif, une salle à manger: lumineuse de part ses grandes baies vitrées; un salon avec des poutres en orme massif provenant du domaine et avec une cheminée à foyer ouvert. A l'étage, il y avait un très beau parquet en chêne massif ainsi que toutes les portes des sept chambres et l'escalier.
Comme je m'y suis amusé étant enfant avec mes deux frères surtout en jouant à cache-cache! A chaque fois, nous nous heurtions à cette porte du fond qui était tout le temps close. Personne n'osait en parler ou s'enquérir sur la cause. Surtout depuis le jour où je me
suis aventuré en demandant les raisons à mon aïeul qui changea vite d'humeur et me dit avec une voix furieuse: « Nous vous approchez jamais, jamais de cette chambre, est-ce que vous m'avez compris ? »
Cette phrase retentit jusqu'à maintenant dans mes oreilles. Plusieurs années après le décès de mon grand-père Ghrib, j'avais appris qu'il avait légué le manoir à tous les membres de la famille c'est-à-dire moi et mes deux frères. Cependant, il a imposé dans son testament de ne point vendre ce bien et surtout de ne point ouvrir la porte de la septième chambre et quelles que soient les circonstances. Il la gardait close de son vivant et il la gardait close dans l'au-delà.
C'était un véritable mystère.
Ma première journée dans le manoir était toute consacrée au nettoyage et au décrassage tant bien que la nuit venue, une profonde lassitude envahit l'ensemble de mon corps. Je me suis donc étendu sur un divan pour me reposer un moment mais rapidement le sommeil s'empara de moi sans préliminaires. Je me trouvai brusquement arraché à mon endormissement par une sorte de terrible miaulement aigu qui ne venait de nul part. Je tressaillis de mon divan en essayant de localiser l'origine de ce miaulement ou plutôt de ce pleur. Je n'ai jamais été un poltron mais cette fois-ci une peur bleue m'étreignit, évidemment je n'étais pas dans mon élément. Tout seul dans ce gigantesque manoir, loin de toute source de vie et maintenant avec le temps qui se gâtait. En effet, un éclair éblouissant illumina tout l'entourage suivi d'un sourd grondement de tonnerre. Pour ajouter plus de suspense et pour me donner la chair de poule, une pluie torrentielle se mit à tomber. Je coupai ma respiration et j'ouvris grandement mes oreilles afin de mieux écouter mais rien ne se passait. Excepté la pluie et le tonnerre, je n'entendais aucun autre son. J'essayais alors de me persuader mais sans conviction que c'était le cri d'un quelconque animal en dehors du manoir. Je me dirigeai vers le divan pour continuer mon assoupissement. Avant même d'y arriver un épouvantable cri de femme éclata. Cette fois, il n'y avait aucun doute: il venait de l'intérieur, exactement de l'étage.
Il était suivi d'une voix douce qui fredonnait une berceuse. Il était exact que la voix était douce cependant toute ma personne frissonnait de peur. Mon coeur allait jaillir de ma poitrine, j'avais de la peine à respirer. Surtout après avoir entendu les pleurs d'un bébé. Mais que ce passait-il dans ce manoir? On dirait que suis entré dans un film d'épouvante. Je n'ai jamais imaginé d'être dans une telle situation. Je pris donc la résolution de m'éclipser, de quitter ce lieu satanique. Je n'étais pas comme les héros de films qui n'hésitait pas à surmonter leurs craintes et allaient à la rencontre de l'aventure, du danger et du mystère. Je n'étais qu'un simple individu, blessé, qui vient juste d'émerger d'une expérience douloureuse. Je n'étais pas prêt pour affronter quoi que ce soit. Je venais de découvrir que je n'étais qu'un pusillanime. Sans tarder, je me tournai vers la porte de sortie déterminé à disparaître à la dérobée, quand un écho qui répercutait une voix douce de femme m'interpella:
« Fatah! Fatah! Fatah! Aide-nous, pitié, pitié.pitié.aide-nous.»