Dans le tiroir de ma table de chevet, je conserve soigneusement, dans un coffret de hêtre, mes bijoux. Ceux que mon mari m’a offerts lors d’un anniversaire, d’un Noël, marquant mon passage à l’amour que j’ai choisi, mon avenir.
Ceux porteurs de la trace de ma famille, légués par mes aïeules : la chevalière de mon arrière-grand-mère et la bague de fiançailles de sa fille, témoins des femmes dont je suis issue, ce passé qui est en moi quoique je fasse.
Dans un mois je déménage. Je vais entamer ma nouvelle vie de jeune mariée. Avec mon époux, nous partons pour l’est de la France, l’Alsace, région que nous ne connaissons absolument pas. Pour le besoin de son travail.
J’appréhende quelque peu ce changement, car il va me falloir rompre avec mes petites habitudes d’ici, faire le deuil de ma vie d’adolescente, quitter la maison où j’ai passé toute mon enfance. Partir vers l’inconnu. Me faire d’autres amis. Postuler pour un emploi. Bref, de nouvelles pages blanches à noircir. J’espère ne pas trop les raturer.
Je prépare mon départ. Occasion d’entreprendre le grand rangement, de faire le tri parmi toutes ces paperasses entassées dans des cartons. Occasion de retrouver des objets que je croyais à tout jamais perdus.
Je ne suis pas une matérialiste, pourtant chaque petite chose me tient à cœur. Difficile de jeter quoi que ce soit. Et si un jour j’en avais besoin ? Le grand dilemme !
Chaque petite chose a une histoire, constitue une pièce du puzzle de ma vie.
J’ai du mal à me défaire des objets en général. Je doute, je tergiverse : je garde ? je jette ?
En ce qui concerne mes bijoux, aucune ambivalence ne vient me tarauder. Je les conserve, les préserve comme de précieux trésors, comme si ma vie en dépendait. En aucun cas ne m’en séparer.
A l’image de ces héroïnes du temps jadis, qui dans leur fuite les camouflaient en les cousant dans les doublures de leur manteau afin d’éviter qu’on les leur vole. Et qui ne les vendaient sous aucun prétexte, même pas en période de grande misère et de famine. Ces bijoux étaient l’héritage qui reviendrait naturellement à leurs enfants.
Telle ma gourmette de baptême que je confierai à ma première fille durant la cérémonie. Sur la plaque, je ferai simplement gravé son prénom et sa date de naissance à la place de mes inscriptions.
Il y a des valeurs qui selon moi se perdent. Transmettre ses bijoux fait parti de ces valeurs. Valeur que je revendique bien que pour certains cela puisse paraître désuet. Je suis vieux-jeu, je l’avoue. Ce trait de caractère me permet de garder les pieds sur terre, de ne jamais oublier d’où je viens.