C'est décidé, cette fois je prends la place de mon chat.
Il est là à se prélasser sur les coussins moelleux pendant que je m'active aux fourneaux.
Tout le monde le complimente. : « Oh ! qu'il est beau le minou. Regarde comme il a le poil doux. C'est vraiment un beau matou. Ecoute comme il ronronne. Et mon minou par ci, et mon minou par là.
Zut alors ! C'est décidé, je prends la place du chat.
C'est vrai, il n'y en a que pour lui dans cette maison. C'est comme si j'étais transparente, inexistante. Et lui, il est là, allongé sur le dos, le ventre offert aux caresses. Il en rajoute en plus : Il augmente le volume. Ce ronronnement m'insupporte ! Et voilà, Monsieur trouve qu'on ne s'occupe pas assez de lui : il miaule.
Tiens, en voilà une bonne idée : à partir d'aujourd'hui, je vais miauler ! Concours de miaulements. Rira bien qui rira le dernier.
C'est sûr, tu vas la perdre ta place !
J'ai dénoué mon tablier, je l'ai posé sur le dossier de la chaise. Ma décision est prise, je jette l'éponge. A partir de cet instant, à moi le sofa. Je saisis le chat alangui par la peau du cou, je me dirige vers la porte du salon, j'appuie sur la poignée, je tire le battant et là, floc ! mes doigts lâchent prise pour laisser choir l'animal ébahi. Pas de pitié pour ce paresseux, je referme la porte. Sans remords, je m'allonge, je pose ma tête sur l'accoudoir rembourré, je me détends, je m'étire, je ferme les yeux. J'ai pris la place du chat ! Je n'en reviens pas. Oui, j'ai osé. Je vais enfin connaître la jouissance de s'abandonner avec nonchalance.
Puis, j'entends une voix :
- Qu'est-ce qui t'arrive, ça ne va pas ? Tu es malade ? Tu as mal quelque part ? Tu veux que j'appelle le médecin ?
Surtout, ne pas ouvrir les yeux, les garder bien fermés et déguster ce moment. Une main se pose sur mon front. J'écoute la voix :
- Tu as de la fièvre ? Non, ton front n'est pas chaud .Tu m'entends ?
Les mains empoignent mes épaules et me secouent gentiment. Un miaulement de désapprobation sort de ma bouche pour éloigner l'agresseur qui recule surpris par cette réaction inattendue. Je me retourne vivement, je me pelotonne et je me mets à ronronner.
- Mais ça ne va pas ! Qu'est-ce qui te prend ? Tu es devenue complètement folle ? Arrête ton jeu ! Tu as vu l'heure ? Qu'est-ce qu'on mange ce soir ?
Et là, ni une ni deux, d'un bon, je me suis redressée, toutes griffes dehors, je l'ai bousculé, je me suis dirigée vers la gamelle du chat, je l'ai déposée à la place habituelle de l'affamé et je l'ai remplie copieusement de croquettes.
ça a jeté un froid ! Je suis retournée me prélasser sur le canapé. J'ai entendu une porte claquer, un bruit de moteur s'éloigner et puis, plus rien, le silence.
Soudain, une plainte s'est manifestée derrière la porte. Et non, ta place est prise! Il miaule de plus belle ! Tenace l'animal ! De ses pattes griffues, il gratouille le bas de la porte !
Mais c'est pas bientôt fini ce cirque ! Tu vas me ficher la paix ! A toi de bosser maintenant ! Va te sustenter en chassant quelques souris !
Puis, j'ai repris ma pose, j'ai savouré ce moment de béatitude, j'ai glissé tranquillement dans un sommeil profond.
Des mains ont glissé sous mon dos et mes jambes pour me déposer sur mon lit comme une jeune mariée.Je me suis blottie dans ses bras pour ronronner toute la nuit.