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« Monsieur … » le cri résonna sur la plage comme une demande à l’aide. L’homme en costume sur le chemin ne se retourna pas. L’appel se renouvela. Ses vieilles oreilles l’entendirent et il fit s’arrêter son grand corps pour le retourner vers l’origine de l’appel. La passante le dévisagea un instant : cheveux gris, court, peaux brunes tannées par les années inondés de rigoles, grands yeux noirs, inexpressifs. Elle hocha la tête et s’approcha : « Monsieur Lequintrec ? » L’homme se contenta d’hocher de la tête. Elle sourit et le détailla de plus près. Elle remarqua la cicatrice sur le dos de sa main droite qui courait de la pointe de son petit doigt et venait se terminer à la base du pouce, puis relevant la tête elle remarqua le haut d’un petit carnet en cuir rouge qui dépassait de la poche de sa chemise blanche. Remontant encore un peu, elle resta en observation sur la base de son cou solide. Là, la peau blanche se transformait en une bosse qu’on pourrait qualifier de monstrueuse. L’idée que ce soit un insecte qui se soit glissé sous la peau s’imposa à elle et elle frissonna sous le soleil printanier.

Mais l’homme ne remarqua rien. Il restait droit sur ses deux longues jambes et regardait juste au-dessus l’épaule de la jeune femme.

« Monsieur Lequintrec… Je voulais vous parler de votre fille. »

L’homme abaissa son regard dans celui de la jeune femme et se fit dur. Il jaugea l’être frêle et plein de vie qui se tenait devant lui puis sa voix claqua comme un fouet dans l’air : « Je n’ai pas de fille. » Il se retourna pour partir mais la fine et délicate main le retint avec une force insoupçonnée. « Monsieur Lequintrec, cela fait 15 ans que vous n’avez pas revu votre fille. » Sans se démonter, l’homme se tourna vers la plage, les mains dans les poches et refit plus calmement : « Je n’ai pas de fille. »

Alors, la jeune fille contourna le vieil homme et vint se planter devant lui : « Murielle m’avait dit que vous étiez têtu comme un bourricot, mais à ce point là, je ne croyais pas !

_ Je ne connais pas de Murielle ! Ne pourriez-vous pas laisser un vieil homme faire sa promenade en toute tranquillité ? » La jeune femme s’enragea, tapant du pied sur le sol bétonné : « Mais non de non ! Vous ne me reconnaissez pas ? Je suis Sandrine, l’amie d’enfance de Murielle. Je venais dormir chez vous autrefois ! Vous avez perdu la boule ma parole ! »

L’homme se retourna fit quelques pas pour partir, se ravisa et se tourna vers Sandrine. Il l’observa de toute sa hauteur. Maintenant qu’elle le disait, effectivement, ces yeux bleus lumineux pleins d’un surplus de joie de vivre lui disait quelque chose. « Ce caractère de cochon aussi… » pensa t-il et il se retourna de nouveau pour partir.

« Monsieur Lequintrec attendait non de non !

_ Dites à Murielle que si elle a à me dire quelque chose, qu’elle vienne me voir elle même. » Et il repartit d’un bon pas.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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