Clara prit son petit déjeuner à la hâte. Une journée chargée l’attendait. Elle avait prévu de s’attaquer au grenier, lieu idéal pour installer son bureau. Bien sure, quelques travaux seraient nécessaires, mais la première étape aussi pénible qu’ indispensable, était le nettoyage à fond… Jack étant en déplacement, c’était le moment idéal pour faire du rangement par le vide. Elle s’accordait deux jours pour en venir à bout, voilà pourquoi, elle n’avait pas de temps à perdre.
Elle but son jus d’orange tout en débarrassant la table, puis elle monta l’escalier et s’empara du nécessaire de nettoyage qu’elle avait entreposé dans le couloir. Elle prit son courage à deux mains, tout en se dirigeant vers la porte du grenier. Elle se sentait toujours un peu mal à l’aise, quand elle devait y entrer.
A nous deux! lança-t-elle, en haussant la voix. Cette phrase résonna étrangement dans le silence pesant, presque comme un cri de guerre . Elle s’imagina dans le rôle de la conquérante d’un territoire occupé et hostile, n’ayant pour seules armes que des chiffons, un balai et un ramasse poussière. Quelques soient les créatures tapies dans le bric-à-brac du grenier, souris, araignées et autres petites bêtes en tout genre, elles étaient prévenues: elle arrivait et elle serait sans pitié. L’idée l’amusa, elle sourit et se détendit un peu…
Le grenier était une pièce spacieuse mais peu éclairée. Le soleil trouvait, non sans peine, un chemin à travers deux minuscules lucarnes, qui laissaient la lumière se répandre de manière inégale. Effleurant le centre de la pièce en lui donnant un côté intimiste, elle délaissait les extrémités mansardées créant des zones d’ombres inaccessibles au regard. Clara comptait utiliser ce jeu lumineux alternant clair et obscur pour aménager son bureau, profitant de l’aspect chaleureux de la partie centrale pour installer son plan de travail et de la partie mansardée pour y créer des rangements. Le parquet de bois ajouterait un cachet au charme de la pièce. Restait à voir s’il était encore en état car pour le moment, il était recouvert de cartons, bibelots, livres et revues, posés à même le sol tel un tapis sale et terne, envahi de poussières et de toiles d’araignées. La jeune femme observait ce désordre avec découragement Il y avait tant de choses à trier! Comme elle ne savait pas par où commencer, elle enfila un masque et des gants et en l’absence d’une véritable stratégie, commença par la pile la plus proche.
« En finir avec l’inutile et la saleté… », telle fut sa devise pendant les heures qui suivirent. Elle jetait à tour de bras vieux bibelots mornes, abîmés, ébréchés, des revues et journaux aux pages jaunies… Le mont des objets récupérables semblait bien ridicule face aux énormes sacs poubelles qui attendaient près de la porte d’entrée.
Clara en était à son énième revue quand elle découvrit un petit bout de papier. Quand elle le regarda de plus près elle s’aperçut qu’une écriture fine et élégante y avait écrit une phrase, une seule. La jeune femme la lu machinalement: « Et la pluie perlera sur les cœurs brisés. ». C’était bien joli mais elle ne comprenait pas vraiment ce que cela signifiait. Elle mit le papier dans sa poche et n’y pensa plus. Il restait encore beaucoup de travail…Elle se remit à la tâche jusqu’en fin de journée.
Le lendemain fut en tout point semblable à cette première journée de travail. Déjeuner rapide et vieilleries à débarrasser… Rien de bien passionnant pour Clara qui devait en finir au plus vite, Jack rentrait le soir même…
En fin d’après midi, alors que Clara en finissait avec le dernier coin du grenier encore en territoire occupé, la pluie se mit à tomber. La jeune femme laissa tomber l’objet qu’elle avait dans les mains et se précipita dans l’escalier pour filer vers le jardin où elle avait laissé du linge pour le faire sécher. Trop tard la pluie tombait à grosses gouttes. Elle récupéra son linge trempé. Un coup de vent avait emporté son T-shirt noir préféré. Celui avec de jolis cœurs argentés…des cœurs brisés. Et Clara regardait, intriguée, la pluie se déposer en gouttelettes successives comme de jolies petites perles transparentes. Tout en portant la main à sa poche, Clara entendait une petite voix chanter dans sa tête « Et la pluie perlera sur les cœurs brisés. »