P6 Paul - Derrière la porte, le chaos

Dans une chaleur ouatée, il était bien. A l'abri d'un monde inconnu, il vivait tel un capitaine des Carpates sous une carapace capitonnée où nul capacitaire ne pouvait craqueler et pour lui tout baignait. Rassuré par tant de sérénité, il dormait à poings fermés, rien ne pouvait le déranger, du moins le pensait-il ! De voyages, il n'en était nullement question. Il ne rêvait pas à des contrées lointaines, ni à des paradis éphémères et factices, car il demeurait dans l'un d'entre eux. Manger, dormir, vieillir telles étaient les seules activités qu'il acceptait.

Mais tout paradis n'a qu'un temps, les écritures le prouvent, les miennes comme les autres. De premiers tremblements l'avertirent d'un changement. Des souffles violents et froids vinrent troubler son sommeil, sa tranquillité. Pour répondre à ces agressions, il cogna de ses poings, tapa de ses pieds la paroi chaude. Mais rien n'y fit. Le phénomène continuait, progressait. Il sentit alors comme des craquements s'amplifier tout autour de lui. Tant et si bien que la carapace, qui le sauvegardait, ne lui prodigua plus la protection naturelle essentielle à sa survie. Dans son antre, il sentit le craquèlement d'un mur, l’ouverture d’une brèche, une sorte d'embrasure où des vents violents s'engouffrèrent, provoquant une aspiration incontrôlable. La tiède obscurité, qui lui offrait une rassurante quiétude, se transforma en un faisceau lumineux hostile et agressif, l'agrippant, le tiraillant par ses membres, le poussant vers l'abîme lumineux. Cela débouchait sur un monde qu'il ne voulait pas connaître, tellement cet univers se montrait irrespectueux envers lui. Il résista tant qu'il put, mais le phénomène se montra plus fort, plus puissant que lui. Ce fut ainsi que l'enfant de l'homme naquit et se transforma en un voyageur imprudent. Il avait traversé l'ultime porte, alors que derrière elle, il était si bien.