Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

…..

Et voilà. Je l'ai bien cherché, tu viens de me jeter à nouveau derrière la porte. "Ma" porte à moi. Celle qui est devenue mon amie, ma confidente. Ma douleur, mais aussi mon seul secours ; mon soulagement, mon repos, mon rêve… La porte qui, pendant quelques heures, me préservera des cris et des coups.

Pourtant, ça fait si mal. Le lieu est si petit que mes genoux se bloquent chaque fois un peu plus. Parfois, tu refermes la porte avec une telle rage que tu me coinces les doigts. Ça fait si mal et pourtant c'est mieux. C'est mieux d'être dans le noir, dans le silence, dans le calme. Tout est préférable à ta colère.

A ces moments, je peux enfin t'avoir "pour moi tout seul", telle que tu devrais toujours être. Je t'imagine vaquer à tes occupations, tranquillement. J'écoute le bruit doux et feutré de tes savates sur le carreau, celui de l'eau du robinet qui coule, les bruits quotidiens tinter doucement, sans heurts. J'entends ta voix marmonner, chantonner presque. Je distingue même ton souffle… ton souffle adoré ! Je t'aime tellement à cet instant ; de toute mon âme. Je peux enfin, sans risque de t'exaspérer, laisser aller mon cœur à mon amour débordant. Répéter en boucle au fond de moi ces mots tendres, merveilleux : "Maman, je t'aime tant ! Maman, je t'aime tant… ".

Ces mots qui, hélas, je le vois bien, te rendent folle ! Ces mots que tu m'as interdits à jamais. Chaque vague de douleur dans mes genoux scande ces mots que je n'ai pas le "droit" de dire.

Je sens que tu ne me supportes — ne m'aimes peut-être ? — que lorsque je suis enfermé, hors de ta vue, silencieux. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai compris depuis longtemps que ma vraie place est ici, dans ce placard.

Mais un jour — "où était-ce une nuit ?" — tu m'as laissé tellement longtemps dans ce minuscule réduit que je me suis endormi. A moins que j'aie perdu connaissance, je ne sais plus. M'as-tu oublié ? Que s'est-il passé ? Je voudrais tellement le savoir ! Cela ne t'était jamais arrivé…

Dans un demi-rêve, j'ai senti qu'on m'extirpait du placard quand une douleur trop forte m'a fait hurler. Mes genoux ! Mes sauveurs, croyant bien faire, ont voulu me mettre debout, mais c'était trop tard...

…..

Extrait d'une lettre que Jonathan D, âgé de quatorze ans, paralysé, a écrit dans son journal intime. A ce jour, toujours en prison, sa mère n'a pas encore accepté de rencontrer son fils.

Tag(s) : #Textes des auteurs
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :