P2 Karine - Plaisirs d'automne

L’animation régnait dans la cuisine ce jour là. Les objets familiers étaient tout excités : Automne était sur le chemin du retour!

Le balai, tout en effectuant son travail quotidien, leur avait annoncé la bonne nouvelle. Il l’avait lui-même appris du râteau, avec qui il avait quelques affinités. Ce dernier tombait de fatigue. Il faisait grise mine et avait mal aux dents. Harassé par le travail, malmené de droite à gauche par le nouveau jardinier, il entraînait et amassait, à longueur de journée, les feuilles qui jonchaient le sol. Le récit du balai les avait tout d’abord laissé silencieux et rêveurs. Ils ne connaissaient pas le monde extérieur. Du château, ils ne connaissaient que le carrelage vert olive, l’accueillante grande table de bois et la chaleureuse gazinière en inox de la cuisine. Imaginer une couverture de feuilles jaunes, ocres et rouges, recouvrant le jardin, relevait presque de l’impossible. Cependant, l’oreille attentive et l’imagination en action, ils écoutaient son discours enrobé de magie. Ils avaient bu chacune de ses paroles, quand il leur avait décrit cet univers, si proche et inconnu, aux couleurs chatoyantes. C’était le premier indice de son arrivée…

Le lendemain, la cheminée fut allumée pour faire face à la fraîcheur matinale, libérant dans la pièce une douce chaleur et le crépitement léger de petites bûches de bois…C’était le deuxième indice de son arrivée…

Au fil des jours, les indices se multiplièrent : le gris du ciel, les pluies fines et successives qui martelaient le sol en un bruissement à peine audible, la tristesse perceptible des arbres se dénudant peu à peu… Ce qui n’était que prédiction devenait certitude : la saison nouvelle s’installait peu à peu.

Dans la cuisine, loin de se laisser aller à la mélancolie ambiante, une agréable agitation gagnait les uns et les autres. Tous se réjouissaient en évoquant les plaisirs apportés par Messire Automne chaque année. La frénésie s’emparait même des plus sages. Tous parlaient de l’évènement qui marquerait le début d’une longue époque de  réjouissances culinaires : la fameuse soupe au potiron de leur  cuisinière préférée Dame Rosa.