P3 Cécile - Je sais, je le sens, je suis différent

Ça y est ! Je vole ! Je n’ose pas y croire. Pas plus tard qu’hier, je marchais encore gauchement. Pourquoi s’ennuyer à avancer si maladroitement alors que je peux voler si majestueusement ?

Une autre vie commence : celle de la liberté !

Mais ce n’est pas si facile, croyez-moi ! Tous mes repères sont différents et je n’ai absolument pas la notion de la vitesse de croisière ni de la hauteur. A tel point que pour mon premier vol, j’ai mis pratiquement une journée à atterrir. Bon, j’avoue qu’il me plaisait tellement d’être dans les airs que je ne voulais pas rentrer au bercail si vite. Mais ma technique d’approche de la terre a été bien plus difficile que ce que je m’imaginais. Je n’arrivais pas à plier suffisamment les ailes que pour perdre un peu d’altitude. Quand j’y suis enfin arrivée, je me suis ridiculisée car je n’ai pas su freiner à temps. J’ai donc atterrit brusquement et j’ai même dû courir un peu pour ne pas tomber bec à terre. La honte !

Enfin, j’ai dû apprendre à rechercher moi-même ma propre nourriture. Là aussi, c’était une vrai galère pour moi. J’avais beau observer mes parents pêcher, je n’y arrivais que très difficilement. Et puis ça n’avait pas le même goût que quand maman me donnait la becquée. Sans doute manquait-il les ingrédients de la régurgitation dans mes poissons frais ?

Mais quel bonheur malgré tout cela de voler. Je plane au septième ciel. J’ai une vue d’ensemble bien plus grande que quand j’étais au sol et surtout je fais ce que je veux, quand je veux. Je ne dois même plus me tracasser, ou si peu, de mes voisins de pallier. La superficie du ciel est bien plus grande que ce bout de roche où nous sommes les uns sur les autres. C’est immense. C’est grand. C’est beau. C’est haut…heureusement que je n’ai pas le vertige.

Bon maintenant il va me falloir me battre pour trouver, et garder, un morceau de territoire sur cette falaise, si je veux me reposer tranquillement. Car je n’ai pas cette faculté, comme les minuscules martinets, de dormir en volant. Dommage.

Que d’alléchantes perspectives ! Que de projets dans mon agenda…il va falloir que j’organise tout cela comme il faut : peaufiner l’art de la pêche, améliorer ma technique de vol, m’orienter dans la migration, m’accoupler, élever mon petit,…ça en fait des choses pour moi.

Longue vie aux goélands !