P2 Cloclo - Ablutions

On peut dire que ma réputation n’est pas surfaite, je suis de partout, on m’emploie dans le monde entier, mais ma vraie patrie, c’est Marseille, enfin quand je me présente sous ma forme masculine ! Moi, on me dit sensuelle, attirante, parfumée,  coquine,  qui se plait en terrain glissant, caresse, effleure, frictionne, nettoie, décrasse, se faufile dans le moindre repli de votre peau, pas de secrets pour moi, je vous connais par coeur, petits amis bien-aimés … je connais même les endroits où certains de vous ne vont jamais, par pudeur, ou négligence, ou manque de temps, allez, avouez !   

Mais attention, ne vous fiez pas trop à moi, non plus, ma bonté a des limites, je peux être perfide, aussi, et occasionner parfois sur le sol de votre salle de bains des chutes spectaculaires, voire mortelles ! e glisse sur toutes les surfaces, sur les jolies peaux de bébés, les peaux rugueuses des vieillards qui ont bien du mal à m’utiliser, surtout sur le côté pile ! Sur les jolies peaux des stars qui m’utilisent plus que de raison, parfois pour des causes publicitaires, je prends alors place dans un joli décor, genre cascade ou milieu naturel, et là je m'attarde sensuellement sur le galbe d’une jambe, sur la courbe d’un rein, sur les rondeurs d’un sein, sur la forme parfaite d’une épaule, je glisse, je reviens, je repars, mon cœur chavire devant tant de beauté nue, tant de sensualité offerte. Ah ! la la, comme il bat la chamade à ces moments-là, mon petit coeur, mon seul souci, c’est qu’on m’use au point de me laisser mourir dans les remous du plaisir, de mettre fin à ma vie à l'instant même de l'extase suprême, du Nirvana de ma mousseuse et saponine atharaxie, de l'injuste sacrifice qui me jetterait sauvagement et prématurément dans les  limbes des dieux des Ablutions,  avant d'avoir totalement accompli ma mission, je veux parler de Dove, Cadum et Palmolive , qui comptent parmi les plus connus. 

Le soir, je dors paisiblement dans mon petit lit, juste creusé à ma taille, il est en céramique, ou parfois en plastique, on me dote aussi d’un couvercle, là, je n’aime pas, j’ai l’impression d’étouffer, autrement je dors à poings fermés jusqu’au lendemain, bercée par des rêves fluides et liquides, où je traverse des torrents, des lacs, des rivières, des rapides, des douches, des baignoires et  des tuyauteries, sans jamais me déliter, je suis à l’aise dans mon élément, et le matin je me réveille en chantant, impatiente de servir à nouveau à la toilette du visage, des mains, des pieds, et des petites fesses rebondies de ma maîtresse. Parfois, elle n’a pas le temps de me passer sur tout le corps, alors, je soupire et me dis : ne t’en fais pas, ce sera pour ce soir ! Il te faudra simplement patienter quelques heures de plus, mais j’ai toute la vie devant moi…  

… une  belle vie de jeune et jolie savonnette, que beaucoup pourraient m'envier !