P2 Malou_Rader - Dialogue à la cuisine

Madame était heureuse de m’arborer. Longtemps, disait-elle, elle m’avait cherché.

- Je suis arrivée du sud de l’Espagne. J’ai la particularité de posséder deux becs verseurs ainsi les droitières et les gauchères m’utilisent avec dextérité.

- Suspendue la tête en bas, ce que je supporte aisément, je suis prête à l'emploi.

- Je me dégourdis la louche plus souvent que toi, dit-elle à l’écumoire. Ce qui me gène le plus, je ne sais jamais si je vais plonger dans le chaud ou le froid. C’est saisissant.

- Comme moi, tu tournes, tu brasses, … tu valses. Si tu égouttes, moi par contre je me goinfre de nourriture ou de boisson. Tout y passe : le waterzoi, le pot-au-feu, les potages rouges, blancs, verts … Les carbonnades flamandes à la bière sont les plus lourdes.

- J’ai le plaisir de visiter la salle à manger où les convives attendent la soupière de service. Mon ballet peut commencer. Charlotte, la fille de la maison, me saisit toujours à droite et avec douceur. Julien, le fiston, à gauche et brusquement. Le père me soulève à hauteur de son épaule et de là, j’admire toute la chambre. La mère me manipule avec agilité.

- Cet été j’ai même eu l’occasion de servir la salade de fruits au jardin. Il faisait plus chaud que dans la cuisine. Pourquoi ne m’y emmène-t-on pas plus souvent ?

- Te souviens-tu ? Nous avons eu l’occasion de nous croiser sur le plan de travail : tu écumais et je remplissais les pots de confiture. Ensuite nous étions côte à côte dans ce lave-vaiselle. Quelle souffrance pour prendre un bain : le froid, le chaud, l’eau, la vapeur et ce savon mordant qui nous piquait partout. Nous sortions brûlantes de ce sauna.

- Des souvenirs heureux ! Le soir du réveillon. Ma tête tournait et semblait vouloir se mettre en vrille. Ah ! Était-ce la sangria qui me mettait dans pareil état. J’ai retrouvé cette sensation dans un punch pétillant sur ananas. Les invités ne cessaient de répéter : Pas pour les enfants. Et moi je nageais dans l’alcool et humais ce délicieux mélange.

- Un jour, tu te glisseras à ma place dans la main de la ménagère.  Si elle ne te remarque pas directement, tu pourras goûter la viande ou les boissons.