Fleurs !! Recule bleuet tête lourde, l’été te fatigue sans doute !!. Te voir à travers les rayons te rend singulièrement jolie mais attention de ne pas te faire prendre !. Je suis prévenante certes mais n’annonce pas toujours mon arrivée. Si tu te penche encore je vais te faucher. Heureusement un courant d’air te relève juste assez quand je passe devant ta beauté, spectatrice venue m’acclamer. La musique doucement métallique de mes roulements atteint son paroxysme dans la grande descente de Noidant Chatenoy tandis que le grand murmure du caoutchouc sur les jantes m’échauffe. L’air siffle autour de mon guidon à l’ancienne, dignes des cornes de bœuf..
Le poids du chauffeur conforte le caoutchouc de mes pneus demi-ballon bien écrasés sur le goudron dangereusement gravillonné.
Je sais que la cuillère va jouer doucement inviter la chaine à grimper sur le grand plateau. Je sens la poussée des pieds sur le pédalier et l’allégresse du chauffeur se communique à mes tubes.. Voilà la sonnette un peu enrouée d'avoir bu la tasse l'hiver dernier. Nous accélérons encore, relâche des freins, les garde-boues mériteraient d’être resserrés car je sens que je vibre, mais qu’importe. La puissance du pédaleur se communique au cadre qui se vrille légèrement sous la poussée. Passant sous le pont l’écho renvoie une belle musique qui dit bien que nous filons comme des hirondelles.
J’adore ces slalom d’allégresse quand mon jeune chauffeur zigzag tout fier au milieu de la rue pour épater les autres jeunes ou encore faire s’exclamer les anciens.
J’aime ces coups de freins brusques et ces chassés arrière. Mais bon il oublie que j’ai déjà appartenu à son père et que la mécanique est ancienne.
A présent les dents du gros pignon sollicité par le dérailleur accusent le coup. Nous remontons dans le chemin de terre entre une haie de noisetiers. Partir en danseur..
Soudain l’air est plus frais nous approchons de la rivière. Roue sur l’herbe patine à peine mais çà y est ! pied à terre.! Je me sens soudain légère posée contre le tronc d’un saule tandis que j’aperçois le tourbillon clair d’une robe d’été, un enlacement, des rires.. Je sais enfin pourquoi mon chauffeur était si pressé.