C'était un matin d'automne. Lorsque je m'éveillai, il faisait gris et triste. En ce temps-là, je vivais dans une petite maison blanche du côté de Montélimar. Dehors, sur la terrasse, je prenais tranquillement mon café en regardant les gens passer dans les ruelles de la ville. Je pensais à cette journée qui, comme toutes celles qui l’ont précédée, s’écoulerait tout entière comme une eau jaunie dans un caniveau. Hélas, j’étais conscient, oui, bien conscient de la platitude et la fadeur dans laquelle ma vie était plongée et cela me rendait encore plus triste. Ainsi, je passai toute la matinée à méditer amèrement. Mais au fond de moi, je savais que je n’étais pas prête à mourir pour des idées noires qui envahissaient mon esprit. Bien au contraire, j’étais convaincu que ce n’était qu’une mauvaise phase et que ça allait passer. Du moins, je l’espérais…
L’après-midi, j’allai me balader dans le parc municipal. Je m’assis sur un banc et m’abandonnai à mon passe-temps favori, regarder les gens passer. Une jeune femme vint s’asseoir à côté de moi et m’aborda. Très vite, nous avons commencé à parler de choses et d’autres. Au milieu de nos rires, j’appris son prénom : Fernande. Ainsi, nous avons passé près d’une heure à discuter, tout en respirant le parfum des lilas qui nous entouraient. Le lendemain, à la même heure, je me rendis au parc. Bien évidemment, j’espérais y trouver Fernande. Elle y était. En la voyant, mon cœur se mit à battre durement, sourdement. Heureux, j’allai la retrouver et ne la quittai que lorsque le ciel s’assombrit et que des étoiles commencèrent à éclore. En peu de temps, nous étions devenus comme les amoureux des bancs publics et dès qu'on se retrouvait, un immense bonheur nous isolait du monde...
Et puis un jour, ce fut la fin. Ce jour-là, le banc était vide. Je n’ai pas besoin de vous dire avec quels battements de cœur je l’ai attendue jusqu’au soir. Mais elle n'est pas venue. D’ailleurs, elle n’est jamais revenue. Pendant un mois, je n’ai pas cessé d’aller au parc, de l’attendre désespérément, follement. A la fin, j’ai fini par abandonner. Dès lors, je me suis retrouvé à nouveau sur le boulevard du temps qui passe… Il n’y avait ni douleur, ni souffrance, ni déception : simplement une immense envie de mourir, de tout voir finir pour toujours.
Perdu, je me mis à écrire des poèmes, secrètement, auprès de mon arbre sur la terrasse. Chaque jour, j’écrivais quelques vers, cela m’aidait à dissimuler ma peine. Mon premier poème, je l’ai écrit pour elle, pour Verlaine. Je ne sais même pas pourquoi je l’ai écrit. Peut-être que quelque chose en moi me disait que j’allais la revoir, un de ces jours. Ou peut-être que j’avais tout simplement besoin de rêver, d’espérer, de revoir La Balade Des Gens Qui Sont Nés Quelque Part. La poésie était devenue ma passion. Une fois, j’ai même rêvé de l’enterrement de Verlaine ! Le reste du temps, je rêvais d'elle, de Verlaine car malgré moi, et bien que je pris un air consolé et satisfait, il me resta sur le cœur un levain d’amertume.