Blanche comme neige créchait d'sous les toits
Il était une fois une jeune fille
Au joli minois
Acariâtre et chipie à la fois
Qui squattait parfois
D'sous le toit en partie effondré
Du vieil immeuble désaffecté
Qui appartenait par un curieux hasard
Au paternel d'un jeune vaurien
Délinquant au prénom charmant
- J'm'appelle Loup
Loup Garou que j'm'appelle
Mam'zelle Blanche
Qu'il lui avait mâchouillé
À leur première rencontre
Mine de rien
Il sourit puis déposa
Le panier tressé
Qu'il tenait à la main
Au cas où l'occasion
Ben tient toi ben
Y n'savait plus laquelle
Ah ! oui ça lui revient
C'tait pour Mémère Grand
Dans le p'tit bois
Puis y s'frotta les mains
Qu'il avait solides
Ses mains toutes propres
Blanches comme neige
S'agitaient fébrilement
Au-dessus des misérables flammes
Qui léchaient avec peine
Le bout de ses manches
Déchiquetées à s'en fendre l'âme
Cé vrai qu'il jonglait dure
Oui ça c'est sûr
À faire des acrobaties
Dans un Cirque ambulant
Du plus beau des manèges
D'la rue Mouffetard
Lorsqu'il en ressortait tard
Si tard le soir
Après le spectacle de clôture
Quand tout était noir
À ne presque plus s'voir
Et gare au loup
Car cé t'y à soir
Qu'il est sorti
C'te damné filou
C'te sale ordure
Quant à Blanche
Elle habitait depuis peu
L'un de ces sordides condos
Au plafond décrépi recouvert
De vieilles cimaises
Où pendouillait lamentablement
Un plafonnier de verre soufflé
À la facture surfaite
Du temps de l'âge d'or
De l'Art déco
En plein centre du salon
Un antique piano
Sur un tapis moisi
Un sofa lit endormi
Dans les bras enlacés
D'un fauteuil Louis XIV
Se prélassait d'aise
Recouvert d'un piqué miteux
Tout un fatras
Gisait çà et là
En foutu état
Une robe en loque
Dans son éclat de ferraille
Rouge ciel d'orage
Des fils métalliques entrelacés
Retenaient en place
Les deux morceaux
D'un bustier échancré
La crinoline ébouriffée
Dans sa noire mousseline
À son côté avait piètre mine
Sans doute aucun il ajoute
- Dans la joute
De qui tue la punaise
Est-ce bien toi
Qui as découvert
D'la boustifaille
Jetée un peu partout
Et le joli filou en rajoute
- Où étais-tu hier au soir
Qu'il demanda à brûle pourpoint
L'air coquin
L'sourire malin au coin
D'son œil plissé
- Oui, c'est bien cela
C'était hier le Bal
Tu l'avais oublié
Bafoua-t-elle bêtement
Surprise qu'elle était
À remettre à l'endroit
Son soulier de verre
Un talon manquait à l'appel
Et illico l'idiot
Le lui rappel
Avec un goût aigre
Dans sa gorge serrée
Il laissa échapper
- Ah ! C'était donc toi
Qui dansait incognito
La Salsa au bras de Pétrouska
Il piétinait maintenant
Et sur place croisait
Et décroisait machinalement
Ses longs appendices gantés
L'on aurait dit qu'il allait disjoncter
À regarder les bas troués
Ravalés sur les os proéminents
De ses maigrichonnes chevilles
- T'étais la plus belle
D'entre les plus belles
Et ben dis-moi pourquoi
Qu't'es parti si tôt
T'essayais-tu de fuir
T'avais peur
D'tes idées de grandeur
Dans l'miroir d'en bas
Pour détaler presto
Vers c'te vieux rafiot
Au grand galop
Elle se calla
Dans ses bras
Son cœur battait la chamaille
Son cœur fondu
Au goût de chocolat
Qu'elle pourléchait
Sur le bout de son doigt
Lui tenait dans sa main
Une pantoufle translucide
Soufflée au petit matin
Elle ouvrit son sac
Bourré d'un peu de tout
Un bâton rouge
Barbouillait le cache cerne
Le courbe cils
Pourchassait la poudre de riz
Et le crayon noire
Dessinait un cœur blessé
Sur une page encore vierge
De son agenda
À toi pour toujours
Mon Ti-Lou
De Blanche