Il vivra. Il le faut. Emilola ne l'a pas porté durant 9 mois pour l'enterrer aussitôt sorti de son ventre !
C'est ce que se dit Marie-Joséphine après avoir récupéré le bébé à peine délivré du cordon ombilical.
Elle est sage-femme dans un hôpital quelque part au Congo. Ici il n'y a pas d'équipements sophistiqués , pas de couveuse, pas de respirateur artificiel, pas de petit lit fermé qui ajuste la chaleur interne selon la température du nourrisson. Quand la vie d'un bébé ne tient qu'à un fil, il faut se débrouiller avec les moyens du bord.
Ce n'est pas une maternité ultra spécialisée, mais une bâtisse en béton aux murs gris. La lumière de la pièce est blafarde. Emilola, allongée sur une table de travail de fortune est épuisée. L'accouchement a été long et difficile. Des larmes coulent sur ses joues. Patrick, le médecin lui a dit : "C'est une fille", mais elle n'a pas entendu de cri, rien, le silence. Le visage grave, Marie-Joséphine se penche sur le nouveau-né. Va-t-il respirer seul ? Le cœur est si faible. Pas une minute à perdre.. Patrick ausculte régulièrement cette poupée de chiffon.
Elle, avec toute son énergie, elle frotte ce corps minuscule, d'un geste ferme lui donne des claques sur les fesses, sur la plante des pieds, le plonge dans une bassine d'eau chaude, le frictionne, lève et redescend ses bras, lui insuffle de l'air, inlassablement elle recommence les mêmes gestes .
L'horloge continue son tic-tac régulier ; les minutes paraissent des heures. Elle ne sait pas depuis combien de temps elle tente de réanimer l'enfant, mais elle sent au plus profond d'elle qu'il ne demande qu'à vivre, il a juste besoin d'aide.
Et tout à coup, ce bébé qui jusque là ressemblait à une marionnette désarticulée s'anime, les yeux se plissent, la bouche s'entrouvre. On dirait comme un sourire, un merci.
Qu'a bien pu faire Marie-Joséphine juste après ?
"Deux, trois mots d'une prière" comme le chante Jean-Jacques Goldman ?
Peut-être…?. Avant d'aller dormir ? Elle était bien fatiguée, c'était la nuit. C'est elle qui le dit.
Elle n'a jamais revu cette petite fille. Ses parents l'ont appelée Boïngo et sont parti vivre au bord de la rivière à Bassan Kusu..
Marie-Joséphine est retournée au couvent à Knokke en Belgique.
Si vous lui demandez qui a sauvé l'enfant ? Elle, elle répond modestement :
"C'est d'abord le docteur, moi je ne sais rien faire"
En 1990, Michel Honorin, grand reporter pour Antenne 2, réalisait des documentaires qui avaient pour titre : Les nouveaux far-west. L'un d'eux avait pour sujet le Congo.. Grâce à Médecins Sans Frontières, les femmes n'étaient plus sans assistance médicale et n'avaient plus peur de souffrir de complications. C'est lors de ce reportage que j'ai découvert Marie Joséphine, femme au grand cœur.
Hommage à toutes ces femmes et ces hommes humanistes passionnés qui ne ménagent pas leurs efforts pour soigner, sauver, réconforter en dépit des risques courus dans des régions reculées.