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Dehors l'orage grondait et je n'imaginais pas encore que la porte s'ouvrirait si violemment.

 

Mon mari, Rayan, et moi habitons Miette, village du Luberon, haut perché sur des falaises d'ocre.. Ce matin, je l'ai accompagné sur le pas de la porte, il est monté dans sa voiture, m'a fait un petit signe de la main, je l'ai regardé partir jusqu'à ce que la voiture ne soit plus qu'un petit point à l'horizon.

Pourquoi ce matin suis-je restée sur le pas de la porte à le regarder s'éloigner ? Un pressentiment peut être.

 

Rayan est maçon. Il travaille sur un grand chantier à Cavaillon

Il est heureux mon Rayan ; il aime son métier. Il y a rencontré Jojo l'auvergnat , menuisier, compagnon du Tour de France ; son travail l'a mené aux Etats-Unis, en Australie.

Les voyages ! Rayan. en rêve : "Lorsque je serai à la retraite, je t'emmènerai en Australie ; d'après Jojo, c'est un continent fantastique" m'a-t-il dit un soir alors que nous étions sur la terrasse à contempler les étoiles.

 

Il n'était que 8 heures et déjà la chaleur s'était installée. J'ai étendu mon linge sur le séchoir du jardin, puis j'ai pris mon porte-monnaie, traversée la ruelle principale pour chercher le pain chez Jeanne, la boulangère. Nous avons parlé de nos enfants qui étaient à la grand ville, des petits potins du village. Au retour, j'ai croisé Dominique, le facteur ; un beau jeune homme aux cheveux blonds frisés, toujours souriant. Il m'a tendu mon courrier en lançant un tonitruant "Bonjour Madame Suena !"

 

Je suis rentrée chez moi, j'ai sorti ma machine à coudre. Je voulais terminer quelques raccommodages : une chemise dont les coutures sous les bras avaient cédé, l'ourlet d'une jupe et quelques petites babioles.

Les mélodies des dernières idoles entrecoupées d'informations s'échappaient de mon transistor que j'avais posé sur la table de la cuisine.

Le monde ne tournait pas bien rond, il y avait des guerres, des crises, des famines, des massacres ; c'était chez les autres, tout cela se situait à grande distance, chez des peuples lointains, pas chez nous. On avait fini par s'habituer à ces nouvelles qui nous touchaient, bien sûr. Pour nous donner bonne conscience, on donnait un peu d'argent.

 

Rien, absolument rien ne pouvait présager ce qui se passa.

 

Je m'appliquais à ma tâche lorsque l'orage commença à gronder. Le pied de biche abaissé sur l'ourlet de ma jupe, j'entamais un zig-zag régulier en appuyant sur la pédale d'entraînement lorsque, clac… plus d'électricité. Une coupure de plus ! C'était chose fréquente dans notre village retiré.

Je suis sortie pour dépendre mon linge, le ciel était devenu noir, le vent s'est levé, s'est brusquement déchaîné. J'ai bravé les bourrasques ; rentrer devenait un défi. J'ai claqué la porte derrière moi : Ouf !

Ma radio ne fonctionnait plus. Plus rien, plus un son. Pourtant j'avais mis des piles neuves la veille ! Je me disais que dans ce monde de consommation, décidément plus rien n'était fiable.

J'en étais là de mes réflexions lorsque, un coup de tonnerre plus violent éclata, suivi d'un éclair et d'un coup strident. Un bruit qui avait atteint un tel paroxysme que je me mis les mains sur les oreilles ; un sifflement insupportable.

 

C'est à ce moment là que les vitres éclatèrent et que la porte s'ouvrit violemment faisant entrer un nuage de poussière dans un souffle apocalyptique suivi d'une chaleur de four.

Cette brutalité me projeta dans le coin de la pièce.

Je dus perdre un instant connaissance.

Lorsque j'ouvris les yeux, je regardai dehors : des arbres il ne restait que le tronc, tout était calciné. Mon beau jardin verdoyant et fleuri était couvert de gravats et de cendres.

J'ai regardé autour de moi, la cuisine était pareille à mon jardin, dévastée.

J'étais ensanglantée et j'étais nue.

C'est à ce moment que j'ai compris.

 

J'ai compris qu'un chef d'Etat, ivre de sa puissance ou mal renseigné, bien abrité dans son bunker avait appuyé sur le bouton rouge. Le sinistre champignon avait été lancé.

Etait-ce une erreur ? Une folie subite ?

Saurons-nous un jour la vérité ?

J'ai pensé à mes enfants à mon mari. Les communications étaient coupées. Que leur était-il arrivé ?

 

Il était 11h42, la pendule s'est arrêtée.

 

Il est des jours et des lunes, des saisons et des années où la poussière efface l'entendement.

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