Ma Douce,
Je ne compte plus les jours et les nuits sans toi.
Je ne dors plus, je me languis, je dépéris.
Pourquoi es-tu partie ?
Tu me manques. Cruellement. J’ai la gorge sèche, je crève de soif, je meurs de toi.
Vidée de nous, mon existence est un désert stérile sans horizon.
Je ne t’accable pas, tu le sais. Non ? Si…
Malgré tout, comme me l’ont fait remarqué hier Tonton Raymond, Tante Bertille, et Maman, habituellement, ce sont les hommes qui partent « chercher des allumettes ».
Enlisé dans la stupeur de ton absence persistante, je n’avais pas pensé à cela. C’est vrai : tu es partie chercher des allumettes, comme un mec. Non pas que je t’en fasse le reproche. C’est juste qu’à présent, on se moque de moi car tu ne reviens pas ; certains de mes collègues m’appellent même « Pénélope », tu te rends compte ?
J’ai beaucoup réfléchi tu sais, à moi, à nous, à toi.
J’essaie de comprendre ce qui a bien pu se passer pour que tu joues les filles de l’air.
On était bien ensemble pourtant. Non ? Si…. On était bien je trouve.
D’accord, je n’étais pas souvent présent, mais il fallait bien que je travaille puisque tu ne faisais rien ; non, je ne dis pas « encore » que tu ne servais à rien. Je dis que tu ne travaillais pas.
Tu avais une existence tranquille, à la maison où tu pouvais faire ce que tu voulais. Faire le ménage, t’occuper des quatre petits, cuisiner, repasser, ranger, enfin, ce à quoi s’occupent les femmes au foyer qui ont bien de la chance d’être libres. Quelle chance tu avais ! Non ? Si…
Je ne comprends pas. Qu’a-t-il pu te passer par la tête. Nous étions si heureux, t’en souviens-tu ?
Ces week end tranquilles où tu repassais devant la télévision, où notre petite famille se régalait des tartes aux fruits que tu cuisinais dès le matin pour ne pas perdre de temps. Ah, la bonne odeur de la cuisine ! Quel bonheur.
Et nos soirées avec mes amis ; ces parties de tarots qui duraient si tard qu’au petit matin tout le monde était encore là. T’en souviens-tu ?
Toi qui disais toujours que tu avais envie de voir –le- monde, tu en voyais –du- monde.
Non ? Si…
Sans compter Maman, toujours aux petits soins pour nous et qui n’hésitait pas à s’installer quelques jours à la maison pour te tenir compagnie lorsque je ne rentrais pas.. Maman qui te montrait comment faire les choses, qui t’apprenait son savoir faire. Tu vois bien que tu voyais du monde ! Non ? Si….
Alors quoi ? Qu’est ce qui n’allait pas ? Est-ce à cause des vacances à Morne-Bled cet été ?
Pourtant, là encore, tu as vu du monde. Ils étaient tous là, Maman, mes frères, mes sœurs, leurs enfants, Tonton Raymond et Tante Bertille, et même quelques uns de mes amis. Quand j’y pense, j’ai le cœur serré. Je te revois, levée la première, énergique, partant faire les courses pour toute la maisonnée, puis cuisiner, ne perdant pas une seconde du plaisir que je te connais à servir les uns et les autres. Ah, ma Douce, quelles vacances nous avons passé. Non ? Si….
Est-ce à cause de Nadine ? Si c’est cela, c’est ridicule. C’est une gamine tu le sais bien, et je pourrais être son père, ou presque. Alors, d’accord, elle téléphonait souvent à la maison, d’accord je l’emmenais en voiture au travail. Mais quoi ? C’était du co-voiturage, rien d’autre. D’accord aussi, elle était un peu provocante. Mais, elle est gentille tout de même tu sais. La preuve, c’est elle qui m’a proposée de dormir chez elle le soir où la voiture est tombée en panne au retour du bureau.
Et toi d’en faire toute une histoire et de sortir chercher des allumettes !
Ah, ma Douce, comme tu me manques.
Comme la maison est vide ; autant que le frigo.
Tout s’écroule autour de moi. La panière déborde de linge sale, la vaisselle s’accumule dans l’évier, la poussière recouvre tout. Les enfants te réclament. Tu as pensé aux enfants ?
Reviens ma Douce, reviens.
Non ? Si !
Ton Dominique.