Il entrait dans le square louis XIII, place des Vosges, elle en sortait. Leurs regards s'accrochèrent longuement alors qu'il heurtait le tourniquet d'accès.
Par la suite, il l'avait croisé plusieurs fois dans le quartier du Marais où il résidait dans un luxueux hôtel privé, avec jardin ! Monsieur était issu de famille aisée!
Au fur et à mesure de leur rencontre, il avait commencé à la saluer puis il lui avait offert son sourire charismatique. Enfin, il l'avait abordé pour lui proposer de prendre un thé à « la jacobine » ce petit salon si raffiné et si hospitalier, au carrefour de la rue des franc bourgeois et du boulevard Beaumarchais.
Ce jour là, le professeur de karaté devint pathétique. Lui, le parfait esthète, s'entendit comme dans un rêve, débiter un flot d'absurdité à cette femme dont la plastique le faisait vaciller !
Après avoir raconté en long, en large et en travers, les vicissitudes de sa vie -ce dont elle devait se moquer éperdument-, il fut certain que le ridicule de sa conversation serait synonyme d'épilogue et qu'il devrait passer à la trappe ce coup de foudre ! L'aventure s'arrêterait avant d'avoir commencé. Et bien non ! Ce ne fut pas la fin de l'épisode ! Elle accepta de le revoir et ce soir, pour la première fois, elle le recevait.
Toute la journée, il avait travaillé au jardin pour contenir son impatience. Il avait taillé les rosiers, brûlé les branchages et arrosé de sulfate de zinc la mousse qui envahissait les statues de plâtre ! Ensuite, il avait réparé le volet de la cuisine qui fermait mal et détourné une colonie de gendarmes menaçant de pénétrer dans le hall.
Son petit caniche l'avait rejoint au jardin. Joueur, Coquelicot avait dérobé une pantoufle et voulait l'enterrer. Il avait bien couru mais hélas était arrivé trop tard. C'était un carnage ! Dans le massif, plus une seule fleur pour son amoureuse! Il était furieux ! Qu'allait-il apporter à sa conquête ? Après mûre réflexion, il décida de composer un poème pour lui déclarer sa flamme. Il s'installa confortablement à son bureau à cylindre et laissa dériver l'inspiration. Dans un premier temps, il jeta au brouillon des idées en désordre puis, il s'évertua longuement à modeler sa poésie comme une sculpture ! Calligraphie et enluminure pour mots d'amour sur papier peau d'éléphant ! Un ravissement !
Affamé, il déjeuna d'un appétit vorace. Après une courte sieste, il mit son casque et visionna une vidéo prêtée par un ami, « l'amour carnassier » ! C'était de circonstance ! A la recherche de la perle rare pour remplacer sa défunte femme, il était confiant en cette rencontre prometteuse ! À vrai dire, il ne perdrait au change ! Son épouse en comparaison était bien mièvre ! Pauvre Jeanne paix à son âme !
Il se doucha , se prépara avec soin , se parfuma , hésita longtemps sur la couleur de la chemise, changea plusieurs fois de cravate , trancha pour la bleue en jouant à pile ou face avec une pièce de monnaie !Et finalement , très en retard, poème en poche, Auguste se mit en route, en rêvant du corps élancé de l'élue de son cœur ! Il fallait à tout prix plaire à sa belle. Et pas question de relâchement ! Elle était si fringante sa Germaine ! 70 printemps, un cœur vaillant et pas une varice !