« Aboule la monnaie la vieille, sinon j’te fais la peau ! »
J'sais pas si tu t’imaginais que cette phrase allait te rapporter un aller direct en ambulance au service des urgences, toi le caïd du quartier. C’est sûr que tu pouvais pas deviner que la meuf était ceinture noire de karaté… avec ses cheveux gris, son cabas en plastique et ses bas à varices. On ne peut vraiment plus se fier à personne !
T’as même pas eu le temps de finir ta phrase que déjà elle s’est élancée sur toi. T’aurais dû voir la patée qu’elle t’a mis la vioque, enfin tu verras, j’ai tout filmé avec mon téléphone portable, j’te montrerai la vidéo. P’tain, t’as tellement gueulé que des colonies de passereaux se sont envolés des branchages et que les bourges du coin ont ouvert leurs volets pour assister au spectacle. T’es devenu une vraie vedette…. T’étais allongé par terre, tout en désordre, dans le genre pantin désarticulé en pate à modeler, un vrai carnage. On se serait cru sur le tourniquet de la mort dans un épisode de « Kung Fu Master ». Elle t’a vraiment pas loupé.
Tiens d’ailleurs, t’as reçu des fleurs avec une lettre glissée dans un cylindre, comme dans Fort Boyard. Tu veux que j’ l’ouvre et te la lise, vu qu’tu peux plus t’servir de tes bras ?
« Mon pauvre ami,
Vous étiez tellement pathétique, allongé sur le sol, que j’ai pris pitié de vous. Malgré l’absurdité de cette situation, je tiens à m’excuser pour ce séjour hospitalier forcé. J’avais repéré dans votre filature le vorace prédateur qui croit pouvoir fondre sur sa victime, un sourire carnassier aux lèvres. Pour vous, la personne âgée que j’étais était synonyme de proie facile. Vous ne pouviez vous douter que les vicissitudes de la vie m’avaient amenée à apprendre à me défendre. Soyez beau joueur et tirez partie de cette leçon qui vous a été offerte : Ne foncez plus tête la première tel un éléphant dans un magasin de porcelaine, mais réfléchissez… si vous le pouvez !
Si vous voulez cesser de dériver dans ces eaux troubles, je veux bien vous servir de leader charismatique et ramener votre esprit brouillon dans le droit chemin.
Ce bouquet de chrysanthèmes pour me faire pardonner.
Marie Magdeleine De la Jambe Agile»
P’tain c’est la championne de karaté. J’ai rien compris à c’qu’elle racontait, elle doit pas être française. Elle manque pas d’air de t’écrire celle-là, j’vais lui filer du sulfate dans son potage, ça va la calmer un peu. Mais je mettrai un casque avant, elle est trop dangereuse !
Enfin avec ton accident du travail, ce sont quand même nos vacances qui passent à la trappe, où qu’on va trouver le blé ? Le docteur a dit que t’en avais au moins pour 3 mois, c’était vraiment pas le moment. Va falloir que j’trouve aut’ chose pour gagner un peu de thunes. Y a bien l’vieux du troisième, celui qui se prend pour un esthète (il sait même pas c’que ça veut dire… et moi non plus !!) et qui me mate comme un gros dégoutant, il a toujours voulu me prendre comme modèle… il trouve sa régulière trop mièvre. Va falloir que j’dise oui. Mon p’tit loup, ne prends pas ton air contrarié, tu veux qu’te fasse un dessin sur un de tes plâtres ? Un p’tit coquelicot si tu veux, t’as toujours été fleur bleue… Tu sais bien que je continue mes recherches pour trouver aut’chose, mais c’est pas si simple qu’est ce que tu crois. J’vais quand même pas mettre leurs pantoufles ou servir le thé à des p’tites vieilles pour gagner ma vie. Surtout qu’ça a l’air dangereux, j’veux pas finir comme toi… Mais non je plaisante mon biquet !
Bon ben j’dois partir, faut que j’mange un truc, j’dois être en lipoglycémie, j’commence à vaciller. Je passe au carrefour ce soir, qu’est-ce que tu veux manger comme compote demain, banane, pomme ou poire ?