Bientôt il n'entendit plus qu'elle, elle remplissait l'espace, venant de toutes parts pas comme démultipliée ! Alors, les voix l'assaillirent, le harcelèrent, le tyrannisèrent, le vampirisèrent, elles résonnèrent implacables dans sa tête :
« Qu'as-tu fais de ta vie Alejandre de la Guardia ? Tu n'es rien, tu n'as aucun talent, tu n'es que vide, mouton égaré tentant de suivre le troupeau et cherchant à donner illusion. Tu te mens à toi-même, tu n'as aucun talent, pas de résonance, de charisme, d'identité, ton intelligence est superficielle, tu ne vis pas, tu végètes…… »
Perfides, les voix distillaient leur poison, sans répit, dans une cacophonie à briser ses tympans. Il se cognait à leur violence, à leur martèlement incessant, il s'asphyxiait à leur pollution, il se perdait dans leur labyrinthe. Le poison pénétrait dans les fibres de sa chair, gangrenait le sang de ses veines, noyait de fiel sa vision, pourrissait son âme, infestait les cellules de sa conscience.
« A quoi rêves-tu donc Alejandro de la Guardia ? Comment oser revendiquer le bonheur en ce monde de misère, de violence, d'injustice ? Où est ton courage ? Arrête de te plaindre de ta vie, arrête de gémir, ouvre les yeux, toi le nanti ! Résigne-toi, tais-toi et ne sois pas indécent ou alors agis et sauve le monde ! »
Telles les sirènes d'Ulysse, les voix l'attiraient dans les Abymes de la folie.
« Et puis à quoi bon résister, tu es bien trop vieux, tu n'as plus qu'à abandonner et attendre en silence, la mort inéluctable »
Alejandro se réveilla en sueur ! Si fatigué, si las ! Il n'était que vertige, déséquilibre ! Depuis trop longtemps, il affrontait ces voix qui, de plus en plus souvent, la nuit, voulaient le terrasser !
Les voix remontaient à l'enfance. Elles avaient pris racines dans un esprit hypersensible, dissimulé sous une armure de timidité, une carapace de doutes, une cuirasse de manque de confiance en soi, une avalanche de renoncements.
A chaque fois, au réveil, la peur le laissait anéanti et le reste de la nuit n'était plus qu'insomnie.
Au petit matin, vaille que vaille, Alejandro, brave petit soldat, s'engageait de nouveau dans une lutte solitaire, quotidienne et épuisante pour retrouver la conscience d'être et l'envie d'exister. Les voix ennemies faisaient alors place, petit à petit, à celles de l'espérance retrouvée et du bonheur, auquel malgré tout, il voulait de nouveau croire ! Il avait alors gagné !
Un peu de répit jusqu'à la prochaine nuit !!!!