Le premier était blanc comme lait, couleur de virginité, couleur d'innocence, comme un matin de doux satin semé d'ouate légère, c'était celui qu'elle portait alors, dans son enfance pure et naïve, bien des années avant de connaître son futur et terrible destin. Le premier était blanc couleur de neige, mais elle ne le savait pas, car dans son pays, elle n'avait encore jamais vu tomber la neige ...
Légers, si légers....
Le second était bleu, d'une transparence bleutée, comme son beau regard éthéré où se reflétait la couleur des cieux où ne couraient jamais, dans ces belles contrées, le moindre nuage et que ne venait jamais déranger le moindre orage. Le second était bleu comme la fleur délicate qui commençait à poindre sous son petit coeur tout neuf ...
légers, si légers...
Le troisième était orange, couleur du feu qui s'échappait de son corps brûlant de jeune fille, celui qui prend conscience un beau jour de sa beauté et de ses attraits et qui joue de sa séduction en attirant autour d'elle toutes les convoitises, toutes les ardeurs, toutes les voluptés ...
légers, si légers....
Le quatrième était irisé, diapré et chatoyant, il se parait des mille lumières qui se posaient sur elles, caressant ses formes généreuses, s'infiltrant dans les moindres replis de sa longue robe et de son voile, ses couleurs variaient à chacun de ses pas, à chaque tour, chaque volte-face, chaque figure que lui dictaient la grâce et le mystère de ses danses...
sont les voiles de l'amour....
Le cinquième était noir, noir des funestes desseins d'Hérodiade, noir des sinistres projets qu'elle concevait pour elle, noir du pacte diabolique passé avec son tristement célèbre et lubrique beau-père...
Noirs et si lourds...
Le sixième était pourpre, rouge du sang d'un saint sacrifié sur l'autel de la luxure et de la dépravation, rouge du couperet qui , d'un seul coup d'un seul, trancha la tête d'un innocent, qu'on servit sur un plat en offrande macabre à cette Terspichore capricieuse et cruelle...
ensanglantés...
Le septième était froid, froid comme la mort de celle qui glissa sur le sol gelé, puis disparut dans une faille qui l'engloutit à jamais, il y a si longtemps déjà, celle qui par trop aima la frivolité, la luxure et la danse, et qui avait pour nom SALOME ...
sont les voiles de la Mort...