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Grand-mère,

J'avais pris l'avion en urgence. Un "last minute" comme on dit. Arrivée à l'aéroport de Lisbonne à 11h15, le temps de louer une voiture, il fallait être au village avant 15h00.

300 km à rouler sur des petites routes ensoleillées malgré l'hiver, des petites routes surchargées par ceux qui partaient en week-end, qui rentraient chez eux voir leur famille, ... souvent une mère ou une grand-mère, un père ou un grand-père restés sur leurs terres que les enfants avaient quittés pour réaliser un rêve et tenter de construire un avenir dans les grandes villes. Parfois même à l'étranger.

J'étais de ceux-ci, je venais d'au-delà les frontières, et moi aussi, je venais voir un parent. Je venais te voir grand-mère.

300 km à abattre d'une seule traite, sans même regarder ce paysage que j'aimais tant.

Les pensées ailleurs, quelque part dans un passé révolu au bonheur à jamais inachevé.

Les pensées qui surplombaient l'horizon sec et froid que les rais du soleil embaumaient d'une soudaine nostalgie, une tristesse qui ricochait dans mes yeux humides.

Le silence m'assourdissait, semblant envahir chaque recoin de ma mémoire. Ce silence plus bruyant que tous les cris enfouis au plus profond de mes tripes et qui s'obstinaient à ne pas venir à la surface.

Ces cris d'amour que j'aurais voulu hurler pour que tu les entendes, là où tu te trouvais maintenant. Dans ce petit 1 pièce sans lumière ni chauffage, vêtue de tes plus beaux habits.

J'arrivai sur la place du village, surpeuplée pour l'occasion. Ils étaient tous là, grand-mère. Tous là pour toi.

La famille, les amis, les voisins, même les habitants des autres villages étaient venus. Il faisait froid malgré le soleil radieux, mais les frissons qui nous parcouraient ressemblaient aux larmes du vent qui se posaient sur notre chagrin à tous.

J'étais arrivée à l'heure grand-mère.

Juste à l'heure pour entrer dans la petite église et pouvoir t'embrasser encore une fois. Juste une dernière fois avant que ne se referme la porte de cette demeure où tu serais à l'abri pour l'éternité. Dans cet habit de lumière qui illuminait ton teint devenu si pâle.

Pour la première fois, je me trouvais face à cet état qu'on appelle la mort. J'aurais tant aimé que ce ne fut pas la tienne, grand-mère.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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