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Je viens d’arriver, moi petit gratte papier, pour la première fois à cette fête des écrivains. Le cadre est champêtre, le soleil brille, les gens sont en tenues légères et souriants, c’est le dernier jour des vacances d’été. C’est très agréable, je ne peux qu’être ravi ! Depuis le temps que famille et amis me serinent sur tous les tons que c’est l’occasion ou jamais de me faire connaître et d’affirmer aux yeux du public ma persévérance dans ce chemin douloureux qu’est l’écriture, il fallait bien que je m’exécute ! Après tout ils ont certainement  raison. Je dois essayer de promouvoir ma production, si tant est que le terme soit approprié. J’ai donc dû à défaut d’apprivoiser les lecteurs potentiels, me faire violence et faire sauter tous les tabous et peurs qu’un homme aussi introverti que moi peut avoir à s’exprimer devant un public d’inconnus.                                                                                                Les organisateurs soucieux de la réussite de leur manifestation m’ont d’autorité placé dans les premiers, tout près de l’entrée. C’est je suppose pour eux, l’assurance que les visiteurs aillent  jusqu’au fond du parc pour apercevoir les écrivains de renom ! Une vulgaire planche de contre-plaqué soutenue par deux tréteaux bringuebalants, tellement le niveau du sol est aléatoire, me sert à la fois d’étal et de bureau pour d’éventuelles signatures d’autographes. J’ai acquis pour l’occasion un peu plus de livres auprès de mon imprimeur favori, mais faute de moyens le stock est limité. Comme à mon habitude je me suis muni d’un petit bloc de papier quadrillé et d’un stylo. J’en ai même deux, non pas que j’eusse à aucun moment pensé en user ne serait-ce qu’un seul à signer des autographes ! L’important pour moi est de pouvoir griffonner quelques idées, si toutefois, en cette occasion une de celles-ci pouvait me venir à l’esprit.

         Le monde peu à peu arrive, c’est presque la foule, de quoi pour un débutant comme moi nourrir quelque espoir! Je n’ai pas un nom connu, il est même très commun !

         Quelques uns de mes voisins sont à pareille fête et les organisateurs bons diables voyant notre désarroi viennent de temps en temps nous abreuver de café et autres boissons sucrées.

         Les gens passent devant les tables. Ils ont le regard souriant, jetant un œil distrait sur mon livre, ils sont plutôt attirés par l’écriteau qui, dans mon dos fixé par une épingle à linge à une ficelle, indique le nom des auteurs présents. Je sens bien à leurs regards fuyants que ce n’est pas moi qu’ils sont venus voir. Ils sont probablement à la recherche d’un visage connu au travers d’une émission télé et qu’ils peuvent en ce jour béni les voir de visu, là, à quelques mètres ou centimètres. Devant ces écritures reconnues et célèbres, je fais évidemment pâle figure.      Qu’ont-ils donc de plus que moi ? Ils doivent s’imaginer que ce sont des extra-terrestres, pourtant eussè-je dû avoir envie d’aller soulager un besoin naturel, je n’en ai pas la possibilité, eux ont un attaché de presse pour les remplacer à leur tâche, c’est bien là la seule différence. Non, ils cherchent un nom, un visage connu. Je ne le suis pas, alors ils passent leur chemin, scrutant la foule d’un regard circulaire. L’appareil photo en main prêt à faire feu, s’ensuit inévitablement au bout de quelques minutes, une exclamation : « ça y est, je l’ai eu ! ».

         Le temps fut à la fois long et court pour moi. Je me prends à regretter de n’avoir pas été invité à faire débat sur mon ouvrage et n’avoir ainsi pu défendre mes thèses, mais si j’en avais eu la possibilité, aurais-je seulement osé ?

         Dès le début je me doutais bien que ce genre de manifestation ne m’apporterait pas grand-chose, si ce n’est la désillusion, de quoi brider l’imagination de plus d’un écrivain et pourtant ce n’est pas même un vulgaire crachin qui m’empêcherait d’écrire quelques tendres mélopées.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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