P175 Maïvon – Le roman familial

Je viens de tomber sur la photo de mon grand-père : visage buriné, en costume traditionnel bigouden de travail, assis à la table de la cuisine. Les souvenirs remontent. J’ai sorti mes deux cartons de clichés accumulés depuis cinquante ans.

Comment exaucer le désir de ma fille Jeanne de réunir nos photos de famille alors que notre famille est complètement éclatée depuis de nombreuse années ?

Mon fils Louis est à Perth en Australie, son père Jack  disparu en mer en 1995, mon ex-mari  Philip à San Francisco, Jeanne à Londres, son frère Jack et moi à Paris. Son idée est de réunir dans un manuscrit moderne, son arbre généalogique et toutes les représentations de ses ancêtres et de sa famille plus proche. Elle souhaite mettre l’accent justement sur la construction cosmopolite de sa famille et son ouverture au monde.  Elle m’a sollicitée pour l’y aider.

J’ai bien une idée qui permettrait de ne pas démolir la collection de chacun. Aujourd’hui, tout le monde ou presque a un scanner, ce qui permet de graver en suites de 0-1 toutes les images du monde sur disque dur, clé USB ou cloud.

Passé le travail ingrat de la récolte aux quatre coins du monde, de la lente numérisation et du classement chronologique, viendra le temps du noble travail de choix.

Le plus difficile sera sans doute de convaincre les différents protagonistes de mettre leurs collections à notre disposition. J’espère ne pas avoir à entrer dans la spirale infernale des discussions sans fin avec Philip telles celles qui ont précédé et accompagné notre séparation, il y a à peine deux ans. Jeanne n’a plus de lien avec son père : elle n’a pas supporté son attitude exigeante alors que c’est lui qui a rompu.

Ce sera inévitablement à moi de récupérer nos photos de famille à moins que le travail de Jeanne sur son histoire familiale ne soit prétexte à renouer des relations avec son père.

Allez ! Je prends mon courage à deux mains et j’appelle Philip. On verra bien...