En fouinant dans le grenier de mon arrière-grand-mère, je fis la trouvaille d'une très vieille valise en cuir, rongée et délavée par le temps, celle-ci contenait tout un tas de bricoles mais aussi des photos sur plaque de verre, procédé datant de plus de cent soixante-quinze ans, qui consistait à déposer une fine couche de gélatine contenant du bromure d'argent, de l'exposer, dans une boîte, à la lumière passant au travers d'un objectif rudimentaire et cela donnait un négatif.
Malgré tout, cette technique donnait des résultats extraordinaires, le rendu, les contrastes et les détails étaient d'une netteté exceptionnelle pour l'époque et bien meilleure que certains de nos appareils numériques.
Il est clair que la manipulation, le poids et le délai pour obtenir un résultat ne sont rien à comparer avec nos appareils modernes.
Mais, de me retrouver ainsi devant de vieilles photos, originales, d'un autre temps, me donnait l'impression de faire un saut dans le passé, assis sur le plancher, le grenier était devenu une machine à remonter le temps.
L'une d'elles représentait plusieurs ouvriers en train de démolir une vieille bâtisse, tâche ingrate, alors que l'un d'eux posait gravement devant une pierre tombale, sur laquelle était gravée une date à peine lisible, mais qui ne laissait place à aucun doute quant à l'époque, bien antérieure à celle de la photo ;
Il avait cette attitude noble, qu'ont les gens fiers de leur découverte, posant pour la postérité, le visage buriné par le temps, orné d'une moustache en guidon de vélo, une casquette éculée, trônant de guingois sur un crâne dégarni, une tenue d'explorateur souillé par la terre de chantier, malgré tout cela son visage m'était familier, cet air grave, la posture, je l'avais déjà vu quelque part, mais le négatif m'empêchait de le discerner avec précision.
Je savais que mon arrière-arrière-grand-père avait été archéologue, alors cette photo m'intriguait au plus haut point, bien que ce ne soit pas la seule, les autres me paraissaient de moindre importance, je m'attardais sur elle, la tournant et la retournant dans tous les sens, essayant de trouver un indice sur les lieux, lorsque mon regard fut attiré par un très vieux cahier d'écolier qui se trouvait dans le fond de la valise.
Je reposais la plaque de verre avec soins et me saisis dudit cahier avec moult précaution.
Le papier jauni me semblait très ancien et tenait par de fragiles coutures. Sur le dessus, une étiquette, à peine collée, avec pour titre, écrit à la plume, « le tombeau de Victor Belley ».
Intrigué, je l'ouvris pour tenter d'y découvrir celui dont le nom figurait sur la couverture.
Le texte, écrit à la main, raturé, griffonné, corrigé, souligné, semblait être un manuscrit, perplexe je parcourus les premières pages et compris aussitôt, malgré la difficulté de lecture, que cela parlait de la photo et de l'homme devant la pierre tombale.
Selon le texte, il aurait découvert le tombeau très recherché du non moins célèbre moine réformiste, Victor Belley, celui-ci aurait fomenté le renversement de la papauté en Avignon.
Dans le premier chapitre, l'auteur mettait l'accent sur la personnalité du moine, dans le deuxième sur ses relations obscures avec d'étranges personnages, ensuite le reste était des notes, des paragraphes inachevés, des idées jetées sur le papier.
Le temps passait, plongé dans ma lecture, je ne vis pas le soleil se coucher, captivé par cette histoire rocambolesque, dont je n'avais jamais entendu parler, je ne me rendais pas compte de l'heure tardive.
Ce fut mon estomac qui me fit sortir de ma bulle et me ramena à la réalité, excité comme un pou, je comprenais que je tenais entre mes mains le manuscrit écrit, il y avait plus de cent soixante-quinze ans, par mon arrière-arrière-grand-père, vraisemblablement l'homme sur la photo.
Instantanément l'idée lumineuse me vint à l'esprit que je devais la faire tirer sur papier pour avoir la certitude de son identité.
Quelques jours plus tard, tenant entre mes doigts le portrait de cet illustre arrière-arrière-grand-père, qui me regarder droit dans les yeux, une nouvelle idée s'imposa à moi en voyant le cahier, exaucer son souhait et publier son roman inachevé pour lui rendre hommage.
La tâche serait ardue mais de revoir cette écriture manuelle et ce regard pénétrant, j'avais l'impression qu'il n'était pas loin et me demandait de poursuivre son œuvre, je devais m'y résoudre...