Longtemps je me suis couché de bonne heure
Pour ne plus voir les jours, les saisons, les heures
Défiler, vides, insipides, monotones et brisées
Violentes et douloureuses comme les marées.
Longtemps, J’ai recraché le bouillon de ma colère
Jusqu’en dépouiller mes rêves de leur propre chair
Jusqu’à me perdre dans les insaisissables vapeurs
De mes larmes taries à force de douleur.
Longtemps j’ai combattu les ombres pesantes
Qui flattaient l’éclat des jours aux heures cuisantes
Les spectres imposteurs qui brouillaient le teint
Des refrains tristes que le vent braillait sans fin.
Longtemps mes nuits sont devenues une forteresse
Un vivier couvert d’herbes hautes et d’allégresse
Un phare dressé dans les ténèbres sans fond
Un terrain de vie où j’écumais tous mes démons.
Au chevet de ma couche, il manquait un gardien
Et sur mon bateau ivre, un passager clandestin.
Longtemps je me suis couché de bonne heure
Pour te sentir vivre au fond de mon cœur.