Quatorze février.
La forêt ténébreuse semble Cour des Miracles, avec ses cohortes d'arbres lépreux en haillons loqueteux entrecroisant comme des pieux leurs branches nues dégoulinantes de rubans morveux de mousses livides.
Lacéré par les broussailles hérissées tout pas qui se voudrait mécanique ne peut manquer de trébucher. Le corps doit apprendre à ânonner, comme un enfant, son alphabet de marcheur forestier, sur le sol gonflé d'humus et de feuilles moisies que soulèvent, sournoises, racines et souches tapies en guet-apens.
Des hardes de lierre en tenue de camouflage envahissent un vieux baraquement, quelque abri de bûcheron, quelque agachon perdu de chasseur solitaire, quelque retraite d'ermite enfouie dans le silence. Nul humain n'entre ici qui ne soit pétrifié.
Un lourd suaire de givre ensevelit la forêt endormie.
Le pâle soleil d'hiver peut-il déjà, comme dans les contes d'antan, la ressusciter ? Quelques paillettes furtives, quelques flammèches de lumière lèchent les cimes gelées...
Promeneur audacieux, point d'impatience ! La forêt bruisse à peine d'imperceptibles frémissements... Le Printemps charmant n'est pas loin, il s'approche : le pressens-tu ?
Bientôt le vert éclatant des bourgeons gonflés de sève, bientôt les frôlements des passereaux enamourés, bientôt le souffle tiède du zéphyr sur la forêt frémissante de désir....
Mars est à l'orée de nos cœurs assoupis.