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Anne-Françoise,

Il y a quatre jours, j'étais célibataire. Je vous en avais parlé ici même. Je vous avais dit que je cherchais une démente qui puisse m'aimer. Vous vous demandez probablement, pourquoi seule une démente pourrait m’aimer. Je ne suis pas différent de vous. Je suis comme tout un chacun. Disons que je suis au milieu de ma vie et je ne suis plus innocent de ce que je suis. Ni en bien ni en mal. J’ai eu le temps de m’analyser, de me comprendre, de voir que je pouvais faire mal, très très mal à une femme. Que je pouvais l’emmener au paradis et l’y garder longtemps mais que tôt ou tard, j’allais l’emmener involontairement en enfer pour quelques secondes tout au moins. Mais qui veut aller en enfer même pour quelques secondes. Il faut être dément pour accepter cette souffrance. Dément ou ignorant, dément ou jeune. Celle que j’ai choisie n’est plus jeune. J’aime ce terme, « choisi ». Je l’ai choisie, réellement. Si elle n’est plus jeune, elle doit être démente.

Ce que je vous avais caché, et je m'en excuse, c'est que quelques jours plus tôt, j'avais abordé une femme dans la cafétéria un peu cosy du centre sportif où je fais du badminton. Elle était de dos, assise seule au milieu d'une table de 20 personnes avec devant elle, une belle bouteille de vingt-cinq centilitres de ce que je pensais être de l'eau. Il y avait une correspondance entre ce que j'ai très vite ressenti pour elle et cette bouteille effilée, parcourue d'arabesques montantes et cette couleur un peu vert topaze. Ce n’était pas de l’eau mais du cidre. Je me suis senti pénétré par elle, mon ventre était devenu mouvant et je l'ai trouvé éblouissante. Certain, par le passé, ont changé de l’eau en vin, elle a changé l’eau paisible de mon âme en cidre doux et pétillant.

Cette femme seule au milieu de tant de chaise vide, c’était beau. C’était osé. Elle était libre. Un appel, un défi à la rencontre. Elle s’était placée au centre du jeu et en même temps, avait mis de la distance avec les autres. C’était comme le champ d’une soliste dans une église vide. Une mélodie douce et féminine qui résonne avec la meilleure acoustique du monde. Aérienne, brillante, elle remplissait l’espace comme le fait une onde légère qui parcourt l’air. Chaque recoin, même les plus sombres, sont habités par son chant. Impossible de ne pas être transporté par la caresse de son appel. Impossible de ne pas se sentir engagé par la pureté de ce son qui suffit à remplir de grâce et de sens le vide d’une église. Dans cette cafétéria, j’étais au seuil d’une cathédrale précédemment silencieuse. J’entendais un murmure par-delà les portes. Un murmure empli d’une magie troublante.

Elle était habillée simplement mais avec élégance. Une jupe brune un peu à la mode des jupons tziganes, un top blanc et un soutien noir qui transparaissait très légèrement au travers. Elle n'était très clairement pas venue pour retrouver un homme mais quand même, son souci d'allier le confort à l'envie d'être belle la rendait, pour moi, terriblement attirante. J'ai patienté vingt minutes derrière elle à la regarder. Je me suis demandé si elle n'attendait pas simplement ses enfants. J'ai regardé ses mains pour apercevoir, peut-être, une alliance. J'ai observé ses rides d'expressions. Ses belles marques de l'âge qui forment une femme à l'inverse d'un modèle de papier glacé. J'ai remarqué son nez fin au caractère affirmé. J'ai vu ses mains délicates qui écrivaient dans un cahier des idées, des rendez-vous ou des promesses. Lorsqu'elle a tourné la tête, vers l'inévitable télévision qui passait des morceaux de musique, j'ai pensé un moment qu'elle m'avait vu. Elle n'a pas bougé. Ses yeux n'ont pas vacillé. J'ai perdu le faible espoir que j'avais mais je sentais en moi, le besoin irrépressible de l'aborder. Je n'osais pas. C'est bien mon problème principal dans la vie en fait. Je n'ose pas mais pour elle, je sentais que je ne devais pas la laisser partir. Je sentais que j'allais regretter de la laisser s’en aller sans avoir au moins essayer.

Un serveur est venu à sa table. Elle s'est montrée aimable, charmante même. Elle lui a demandé une information et il a montré un chemin comme on le fait dans la rue, en mimant le trajet avec les mains. Elle lui a souri, je l’ai envié. Je n'ai pas entendu ce qu'il lui avait dit et je sentais qu'elle allait partir, loin de moi. J'ai pensé alors me lever et me mettre en face d'elle avec ma tasse de café. De tenter le tout pour le tout. Je ne l'ai pas fais. Je crée mes propres barricades, mes propres obstacles, mes propres impasses. C'est un refrain que je connais bien. Là où il n'y a qu'un ru que l'on pourrait traverser d'un pas, mon esprit voit un océan qui serait impossible à traverser même avec des bottes de sept lieux. Elle s'est levée, a ramassée ses affaires, inconscientes de mon trouble et de mes peurs. Elle a traversé la cafétéria, froide tout d'un coup, et est sortie.

Pour moi aussi, il était temps de partir. Je ne l'ai pas suivie. Je suis sorti par une autre porte. Le cœur un peu comprimé. Cela ne s’explique pas. On sait simplement qu’on vient de perdre quelque chose d’important. On ne sait pas exactement quoi mais on sait que c’était important. J'ai été retrouver mon ami Serge, qui m'attendait dans le hall. Ne rien laisser paraître. Comment pourrait-il comprendre. Comment pourrait-il comprendre le doute qui s'était dissout en moi. Ai-je vraiment laissé partir cette inconnue ? Paraître heureux de le voir était la meilleure solution. Et j'étais heureux qu’il soit là. Un peu comme une bouée de secours, comme un dérivatif à l'erreur que je venais de commettre.

Anne-Françoise était partie. ! C’est ici, que vous avez compris que l’histoire ne s’arrête pas là. Comment puis-je connaitre son prénom. Son très joli prénom d’ailleurs. Anne, une respiration, Françoise. Voilà comment je prononce son prénom, en deux temps, pour faire durer le plaisir. C’est joli, non ? Anne-Françoise, il y a la douceur d’Anne et ensuite la sonorité d’un champ fleuri, Françoise. Une mélodie en deux temps, avec une respiration au milieu.

Elle était partie dans une impasse. Elle avait du mal comprendre l’explication du serveur. Elle était au fond du couloir à pousser une porte close juste à la perpendiculaire de là où je m'étais arrêté pour dire bonjour à Serge. Je n'ai pas eu à prendre de décision. Je l'ai fait sans réfléchir, dans un élan. Par politesse, j'ai demandé deux minutes à Serges et je l’ai abandonné là. Ce que vous devez savoir. C’est que Serge est l’amoureux transit de Françoise. Non, pas mon Anne-Françoise mais Françoise, ma belle belle-mère. Il a osé et s’est fait remettre à une place qu’il ne souhaite pas. Celle d’ami proche et moi, je le plante là. Au milieu de cet énorme hall vers une femme, vers une Anne-Françoise. M’a-t-il regardé partir, je n’en sais rien. Mais je trouve ça ironique.

Fébrile, je suis allé vers elle. Vous les femmes, vous ne savez pas ce que c'est d'avoir peur d'aborder une femme qui vous trouble. C'est juste incroyable de tension, d'élan et de frein. C'est comme aborder une montagne des Pyrénées aux pentes de caillasses surchauffées avec les pieds nus. En état de faiblesse et avec les pieds déjà écorché après 3 mètres. Et là, j’ai encore au moins trente mètres à parcourir pour la rejoindre. Je me rapproche d’elle et mètre après mètre, je suis de plus en plus déterminé mais aussi de plus en plus vulnérable. Que faire, la regarder mais elle risque de fuir. Certes fuir dans une impasse mais le message aurait été suffisamment clair. Regarder au-delà et feindre l'indifférence, ce qui n'est pas possible pour un homme capté par le regard d'une femme. Rester naturel ... mais c'est quoi être naturel. On ne feint pas le naturel. J'avance vers elle. C'est tout ce que je sais. J'avance !

- Bonjour, je vous ai trouvé très belle tout à l'heure à la cafétéria. Je m'excuse de vous aborder comme cela mais j'ai l'impression que je ne pouvais pas vous laisser partir sans au moins vous aborder. Je m'appelle Bruno. Dis-je en bredouillant et en me sentant tellement idiot et maladroit.

-  Merci ... vous êtes courageux. C'est la première fois que cela m'arrive.

On se regarde. Elle se demande comment réagir. Cela ne dure qu’une fraction de seconde. Je ne sens pas d’hésitation chez elle. Elle essaye de trouver les mots pour ne pas s’engager de trop.

 - Je suis Anne-Françoise.

- Comment on fait maintenant ?  Voilà bien la remarque d’un homme désarmé !

- J'ai un cours de gym qui commence maintenant.

- Moi, j'ai badminton. 

J’ai badminton … autant dire qu'on a piscine. J'ai envie de la voir et pourquoi je ne laisserais pas tomber le badminton pour elle mais non ... j'ai piscine.

- On se retrouve après ?

- Non, je ne peux pas j'ai des obligations familiales. Je ne peux pas rester après mon cours de gym. Donnez-moi votre numéro.

Je suis surpris. Elle ne me jette pas. Au contraire, elle fait le geste que je m’apprêtais à faire. C'est encore mieux. Elle le tape sur son vieux gsm d’un temps où internet n’existait pas encore.

Je suis surpris par sa beauté. Je n'avais pas mesuré à quel point, elle était belle. De près, elle rayonne. Elle me semble moins âgée. Elle doit avoir à peine quarante ans et j'en ai quarante-sept. Ses yeux sont doux, sa voix est douce et moi, je tremble à l'intérieur comme une feuille qui a Parkinson. Ce moment est fugace mais me semble une éternité. Je ne lui demande pas son numéro de téléphone. Je ne veux pas la brusquer. Je veux être choisi.

Ensemble, déjà, nous descendons l'escalier vers nos vestiaires respectifs. Je dois me dépêcher. Mes camarades de jeux sont déjà sur le terrain. A toute vitesse, je me change et je sors dans le couloir. Je vous jure que je ne suis pas croyant, que je ne crois pas à la prédestination mais elle est là. Elle sort de son vestiaire au moment ou je passe devant. Elle porte un legging de gym où la couleur dominante est un rose fuchsia. Dois-je vous le dire ? C'est un peu intime mais je suis soufflé. Un homme reste un homme et elle ... elle est magnifique. Je l'avais déjà deviné à la manière dont son jupon tombait sur ses fesses mais un legging, ça ne cache rien. J'essaye de paraître calme et nous nous dirigeons ensemble vers nos salles de sport en devisant de choses et d’autres. Elle me dit qu’elle reprend le sport cette semaine après deux ans d’arrêt. J’ai du mal à la croire.

La séance de badminton fut intense. J'avais des émotions à canaliser. Mes amis sont contents. Je mets un peu d’ambiance. Je joue mal mais je rigole. Un peu plus d'une heure plus tard, le miracle de la sortie du vestiaire ne se reproduit pas. Elle est déjà partie. Je l’ai cherché un peu. Je suis passé par la cafétéria mais elle n’y était pas.

Un creux léger mais bien sensible s'était ouvert proche de mon cœur. Le genre de creux qui fait du bien. Un espace où la peur se dispute la place avec l'espoir. Un espace qui s'ouvre là où rien d'autre de pousse, sur une partie du cœur qu’on pensait être devenu aride. Est-ce un bonheur, une souffrance ? Est-ce un avenir ou un coup dans l'eau ? Je m’en moque. Je suis bien.

Vous ne le savez pas mais moi, je le sais. Dans mon prochain texte, je vous raconterai si vous le souhaitez. Il y sera question d'attente, de peau et de ... bigoudis. Si si, je vous jure.

pas mesuré à quel point, elle était belle. De près, elle rayonne. Elle me semble moins âgée. Elle doit avoir à peine quarante ans et j'en ai quarante-sept. Ses yeux sont doux, sa voix est douce et moi, je tremble à l'intérieur comme une feuille qui a Parkinson. Ce moment est fugace mais me semble une éternité. Je ne lui demande pas son numéro de téléphone. Je ne veux pas la brusquer. Je veux être choisi.

Ensemble, déjà, nous descendons l'escalier vers nos vestiaires respectifs. Je dois me dépêcher. Mes camarades de jeux sont déjà sur le terrain. A toute vitesse, je me change et je sors dans le couloir. Je vous jure que je ne suis pas croyant, que je ne crois pas à la prédestination mais elle est là. Elle sort de son vestiaire au moment ou je passe devant. Elle porte un legging de gym où la couleur dominante est un rose fuchsia. Dois-je vous le dire ? C'est un peu intime mais je suis soufflé. Un homme reste un homme et elle ... elle est magnifique. Je l'avais déjà deviné à la manière dont son jupon tombait sur ses fesses mais un legging, ça ne cache rien. J'essaye de paraître calme et nous nous dirigeons ensemble vers nos salles de sport en devisant de choses et d’autres. Elle me dit qu’elle reprend le sport cette semaine après deux ans d’arrêt. J’ai du mal à la croire.

La séance de badminton fut intense. J'avais des émotions à canaliser. Mes amis sont contents. Je mets un peu d’ambiance. Je joue mal mais je rigole. Un peu plus d'une heure plus tard, le miracle de la sortie du vestiaire ne se reproduit pas. Elle est déjà partie. Je l’ai cherché un peu. Je suis passé par la cafétéria mais elle n’y était pas.

Un creux léger mais bien sensible s'était ouvert proche de mon cœur. Le genre de creux qui fait du bien. Un espace où la peur se dispute la place avec l'espoir. Un espace qui s'ouvre là où rien d'autre de pousse, sur une partie du cœur qu’on pensait être devenu aride. Est-ce un bonheur, une souffrance ? Est-ce un avenir ou un coup dans l'eau ? Je m’en moque. Je suis bien.

Vous ne le savez pas mais moi, je le sais. Dans mon prochain texte, je vous raconterai si vous le souhaitez. Il y sera question d'attente, de peau et de ... bigoudis. Si si, je vous jure.

 

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