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"Un cri d'enfant attire mon attention. Il est là, en face de moi, assis sur son siège à côté de sa mère, blond comme les blés. Il tente d'attraper son doudou tombé par terre. Sa mère regarde par la fenêtre du train le paysage qui défile, relâchant un instant la surveillance sur son enfant. Il repousse un cri et lève la tête vers elle. Mais elle ne le voit pas, rêveuse face aux paysages qui défilent sous ses yeux. Son front pâle est anxieux et crispé. Sa bouche marque un trait mince et blanchâtre sur son visage. Elle passe la main sur sa nuque fragile et soupire. Ses yeux quitte l'extérieur et viennent s'accrocher aux miens qui l'observent. Surprise je souris pour m'excuser. Elle n'y répond pas. Elle se baisse pour ramasser le doudou et le tend à son fils. A son cou brille une étoile jaune. Son éclat percute mon œil et m'éblouit un instant. Je ferme les yeux.

Le bruit du train se fait plus fort à mes oreilles. Une odeur âcre de corps mal lavés me fait rouvrir les paupières. Dans la pénombre je distingue des corps allongés pelle mêle. Certains râlent, crachent, sifflent. D'autres se taisent à jamais. En face de moi, par les traits de lumières qui passent au travers des planches du wagon à bestiaux, je distingue une petite forme malingre au visage sale et amaigri, qui ne pleure pas mais dont les yeux immenses crient toute la peine du monde. Sa mère, le front pâle sous son fichu,  est anxieuse et crispée. Elle serre son enfant sur son cœur de toutes ses forces. Elle fixe la pénombre désespérément. Un soupir s'échappe de sa poitrine.

Soudain le train s'arrête dans un crissement de freins venu de l'enfer. Je sens le froid du dehors me geler le cœur. On entend des voix d'hommes hurler des ordres. La porte du wagon s'ouvre et nous sommes poussés, tirés dans tous les sens pour descendre. Sur le quai glacial, dans le vent mordant, je lis hébétée le lieu de mon arrivée : AUSCHWITZ...

Un pâle rayon de soleil perce les nuages et vient toucher mon front. L'enfant blond me sourit. Dehors sur le quai, les gens se pressent pour rejoindre leur famille en cette veille de Noël.

L'étoile jaune a disparu du cou de la mère.

Un sourire se dessine sur ses lèvres détendues..."

Tag(s) : #Textes des auteurs
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