Il se promène dans les couloirs désertés, d’un pas lent et feutré. Les tapis sont épais ici. Il ouvre quelques portes de bureaux. Tout est plongé dans le noir, à peine distingue t’on le portemanteau esseulé criant, le manteau qui, la journée, l’habillait si richement.
L’après-midi même ils étaient tous venus lui dire au revoir dans son bureau. Le majordome, une larme roulant sur ses grosses joues noires. Cynthia, la dernière femme de chambre qui à son arrivée était toute timide et qui s’est blottie dans ses bras, malheureuse de le voir partir. Le jardinier qui faisait tourner son chapeau crasseux qui sentait l’artichaut. La cuisinière aux joues rouges et à la grosse voix. Oscario, son photographe attitré qu’il avait dû se farcir dès la première minute de son entrée en fonction et qui subitement pataugeait dans ses adieux. Son secrétaire particulier qui tourbillonnait toujours autour de lui quand il signait à son bureau. Et tant et tant de gens… encore.
Depuis les nouvelles élections il en avait serré des mains pour dire au revoir et toujours c’était comme un pincement. Il avait mis tant d’ardeur à la tâche, servir son pays n’avait pas été chose facile mais toujours chaque matin son cœur était joyeux.
Un soupir s’échappa de son être. Il regagna son bureau, signa les derniers papiers soumis par son secrétaire, rangea le désordre…Voilà c’était fini…
Son regard balaya la pièce et tomba sur la guitare laissée par ses jumelles. Il s’installa sur un des canapés ou il avait reçu tant de Grands de ce monde et s’apprêta à jouer quand la porte s’ouvrit. Sa femme rentra, sa robe blanche soulignant sa silhouette.
Ils se regardèrent longuement sans rien dire puis elle s’assit à ses côtés, posa sa tête sur son épaule, sa frange parfumée lui caressant le cou. Il commença à jouer.
Dehors les jets d’eau continuaient leur jeu, dans le grand jardin du monde plongé dans la nuit noire, sans étoiles.