J’aurais bien aimé visiter l’Irlande, les grandes plaines verdoyantes du Connemara, couvertes de lac avec le soleil qui brille au travers de la pluie, ses pubs folkloriques, ses falaises sauvages, ses landes dénudées et que dire de l’accueil légendaire des Irlandais… J’en parle comme si j’y avais vécu…
Il fut un temps où je déambulais dans une Estafette Renault, l’équivalent du Combi Volkswagen, et lors de mes pérégrinations au travers de la France profonde, je fis la rencontre d’une jeune et jolie Irlandaise.
Nous ramassions les pommes dans les Hautes Alpes, pour moi ce n’était que mon gagne-pain, pour elle un stage culturel et cela ne prit guère de temps que nos deux solitudes finirent par se coller.
Nous passions de merveilleux moments ensemble, or, un jour où elle fut malade, je m’occupais d’elle tout naturellement, lui prodiguant les soins nécessaires à son réconfort.
À ce moment-là, les liens qui nous unissaient se resserrèrent, mais je n’ai pas compris tout de suite, je n’ai pas compris ses gestes au moment de nos adieux, je n’ai pas compris son regard embrumé, je n’ai pas compris cette main à la portière du train.
Pour moi ce n’était qu’un au revoir, qu’une étape dans ma vie et je ne l’ai pleinement réalisé que quelques semaines plus tard, lorsque je reçus d’elle une belle lettre sur papier rouge, agrémentée de charmants petits dessins, me proposant de venir rencontrer sa famille et découvrir son beau pays.
J’étais jeune et libre d’attache, j’aurais dû voler auprès de cette belle damoiselle, mais cette missive me brûla les doigts à tel point que je l’enfermais dans la boîte à gant de mon « mobile home » pendant plusieurs semaines.
À chaque fois que mon regard se posait sur elle, j’étais désemparé et n’osais y répondre.
L’amour, lorsqu’il vous frappe en plein cœur, peut parfois prendre un visage inquiétant, de crainte je n’ai jamais répondu à son appel de sirène.
Que serait-il advenu si j’avais fait le grand saut ? Ma vie aurait-elle pris un autre sens ? Serais-je devenu Irlandais ou m’aurait-elle suivi dans mes folies ?
Et maintenant, que me reste-t-il de cette rencontre ? Pour ainsi dire presque rien, si ce n’est que des regrets, celui de lui avoir causé un peu de souffrance, d’être passé à côté d’une belle histoire d’amour, dont je connaîtrais jamais le dénouement.
On dit qu’il ne faut jamais avoir de regret, et vous, n’en avez-vous pas ? Comment faites-vous ? Quel est votre secret ?
Si un jour vous passez par l’Irlande, dites-lui que je pense toujours à elle, que je regrette d'avoir perdu sa lettre, que j’ai oublié son nom mais que je n’ai pas oublié son doux visage et que le monde est grand…