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Elle ouvre la porte, la dernière à gauche, au bout du couloir. Elle trouve tout de suite l'interrupteur permettant au plafonnier de répandre sa lumière. Elle allume aussi le petit néon au-dessus du miroir. Elle a besoin de beaucoup d'éclairage. Elle fait fonctionner la radio qui tue d'un coup le silence. La voilà prête à commencer sa toilette. Il est tôt pour un dimanche matin chômé.

Elle prend son temps en enlevant ses vêtements se résumant à un tee-shirt et à un bas de survêtement. C'est le printemps. Le chauffage est encore en usage. Il fait bon. Elle est bien dans sa salle de bains, nue comme un ver, pas maquillée, les cheveux en pétard, l'air hagard, pas vraiment réveillée. Par où débuter ? Elle est invitée ce soir par un homme charmant rencontré récemment. Il ne faut rien négliger. Une nouvelle romance commence. Elle ne veut pas la rater.

Une séance importante d'épilation s'impose. S'épiler est une corvée mais puisqu'elle veut ses mollets aussi doux que la coquille d'un œuf et ôter tous les autres poils disgracieux, elle se plie docilement à la discipline. Tout son attirail est prêt. Elle étale une bande de cire chaude sur sa cheville. Elle attend un peu. Elle tire d'un coup en retenant son souffle. Les mois d'hiver ont été longs. Aïe ! Ça fait mal ! Elle pourrait remplir une brouette de tous ces poils rebelles, pense-t-elle en souriant de travers. C'était à faire.Toutes les bandes de cires usagées finissent l'une après l'autre dans la petite poubelle posée à côté du lavabo bleue comme est bleue la baignoire et le carrelage mural.

Une fois cette séance d'épilation terminée, elle enjambe la baignoire. Elle tire le rideau. Elle reste debout. Elle se penche puis tourne le robinet. D'abord l'eau chaude et ensuite l'eau froide. Le jet d'eau tiède coule sur sa peau et la réconforte. Elle ouvre le flacon du gel douche. Elle hume son parfum. Il est jaune au senteur de cédrat. Le cédratier est une espèce d'arbres de la famille des Rutacées. Son fruit, le cédrat, est un agrume qui ressemble un peu à un citron bodybuildé. Il a peu de chair et une peau épaisse. Elle l'a lu un jour, dans un magazine féminin au moment où elle était en recherche de vitamines. Elle y pense en faisant mousser le savon sur son corps fin et musclé. Elle se rince. Elle coupe l'eau. Elle saisit la grande serviette, bleue, elle aussi. Elle a froid. Elle s'essuie en vitesse cherchant à se réchauffer. Sèche, elle enduit sa peau d'huile d'olive. C'est, paraît-il, un aliment beauté, un beurre corporel, un secret anti-âge. À son âge, elle en a bien besoin. Elle mangerait bien un avocat crevette ce midi. Ce massage lui a ouvert l’appétit.

Avant d'enfiler un peignoir de bain jaune, elle passe le déodorant sous ses aisselles et elle s'approche du lavabo. Elle se rince les mains devenues trop grasses. Elle prend sa brosse à dents. En saisissant le dentifrice, elle fulmine contre la publicité mensongère vantant les dents redevenues miraculeusement blanches. Elle regrette ses années tabagiques et caféiques. Elle frotte en espérant quand même. Sa crème pour le visage est à portée de main. Elle l'étale. Elle veut retrouver un ovale et diminuer les rides qui se creusent impitoyablement au fil du temps. Il lui reste encore le maquillage des yeux, des joues, des lèvres. Mais avant, elle applique le fond de teint. Elle dessine ensuite un trait noir sous chaque œil. Elle se demande s'il faut, pour l'occasion, un maquillage charbonneux ou plutôt léger comme le printemps. Elle opte pour le charbonneux qui lui fera un regard langoureux en veillant à ne pas trop forcer. Il faut éviter de ressembler à un ramoneur couvert de suie. Les paupières faites, elle s'attaque aux cils. Le mascara noir lui allonge le regard. Elle passe au fard à joue. Il lui donne bonne mine puis au rouge à lèvre qu'elle remettra juste avant son rendez-vous. Une petite touche de parfum capiteux, un joli coup de brosse, une crème pour les mains, elle peut enfin rejoindre sa chambre.

Elle va s'habiller en femme fatale osant rehausser sa poitrine avec l'aide d'un soutien-gorge rembourré. Plus rien ne l'arrête.

Ce soir, elle ne jouera pas au gendarme et au voleur. Pour le jeu de la séduction, elle laissera son képi au vestiaire. Ce n'est pas parce qu'elle est gendarme qu'elle ne peut pas être sexy. Elle sera femme jusqu'au bout des ongles. Mince ! Elle a oublié le vernis.

Nous retournons encore une fois dans la salle de bains.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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