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J’ai erré longuement dans la ville, sans prêter attention aux rues que j’empruntais, aux gens que je croisais, aux bruits, aux couleurs, il fallait encaisser, absorber, jamais de toute ma vie je ne m’étais sentie plus isolée ni plus insignifiante.

Délibérément, ils nous ont choisi pour cible. Paul, Elodie, Inès, Vincent, Lisa, John, Nadia, David et les autres ...

Je revois encore le visage de Marie. Il suffit d'un regard pour que nous nous surprenions à glousser sans aucune raison apparente. Le souvenir vertigineux de son rire profond et communicatif me donne la chair de poule. Je garde en mémoire la musicalité de ses éclats de joie comme lorsqu'elle prenait en main son violoncelle, ami de longue date qui berçait ses bonheurs et ses peines.

Marie, c'est la vie. Jamais de routine entre nous. Toujours partante, fourmillant d'idées et de projets, Marie jouit de la vie, simplement, éperdument. L'amitié qui nous lie depuis notre plus tendre enfance est le ciment de mon équilibre. Je peux tout lui dire à Marie. Marie, c'est mon amie. Marie, c'est ma soeur. Avec Marie, je suis moi-même. Nulle gêne ne vient ternir le bonheur d'être ensemble et de partager les petits plaisirs du quotidien. Entre nous, c'est évident. Facile. Fluide. Rare. Son amitié me rend plus forte.

Mais, ce soir, je suis anéantie. Sidérée par l'abomination, je réalise la portée du drame que nous avons vécu, ensemble. En un éclair, la vie a basculé. Ce plan bien huilé a eu raison de notre insouciance, de notre jeunesse et de notre liberté. Ils ont atteint sans nul doute leur cible humiliant et bafouant ce qu'il y a de plus précieux en nous. Oui, ils ont fait irruption dans nos vies comme un boulet de canon. Notre innocence a volé en éclat. Plus jamais, nous ne serons les mêmes.

Après des heures d'errance, je suis assise sur le canapé-lit du salon. Prostrée et abasourdie par le chaos des dernières heures, je ne me défais pas de l'ultime souvenir que je garde de Marie. Le regard de Marie. Les yeux de Marie, emplis d'effroi, me hantent. Ils me tourmenteront jusqu'à la fin des temps.

Seule face à l'indicible, la tête me tourne. J'ai envie de vomir. J'ai envie de mourir. J'ai envie de hurler. Et pourtant ... Pas une larme. Je suis sous le choc. Je n'y arrive pas. Mon coeur et mon âme semblent comme paralysés et glacés d'effroi.

Alors, c'est mutique et de façon quasi hystérique que je me saisis de mon soutien-gorge blanc souillé du sang de Marie. Frotter, lessiver et frotter encore le sang et la vie de Marie jusqu'à ce que le linge soit blanchi, pur de toute souillure. Et là, les larmes coulent, jaillissent sans que je ne puisse les retenir. Une digue s'est ouverte.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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