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Le masque, ce n’est pas mon truc … Me grimer en ecclésiastique, voire en homme préhistorique ou encore en vieille dame, pensionnaire d’un EHPAD, je l’avoue, j’y ai consenti. C’était nécessaire pour rendre plus crédible des sketches à l’occasion de soirées associatives.

Mais nul ne m’avait imposé ces simagrées, sinon je les eus, sans l’ombre d’un doute, renvoyé paître.

Paître … Quand les vaches, faute de clôture, étaient envoyées à la pâture, jeune pâtre occasionnel, j’avais en charge leur garde, accompagné de Marquise, bonne chienne s’il en est. Inutile de la museler parce qu’elle ne mordait les talons des bovins qu’en cas d’égarement de leur part, comme par exemple, vers le champ de maïs du voisin … Et ne nous cachons pas derrière le petit doigt, ni même un masque chirurgical : si la surveillance s’était relâchée, au retour à la ferme, j’eus été sérieusement admonesté par le père qui ne plaisantait pas. Sans doute, mettait-il en pratique la maxime bien connue : chacun son métier, les vaches seront bien gardées … En l’occurrence, du haut de tes sept ans, c’est toi qui es garant de la bonne morale, les vaches doivent bouffer de l’herbe et laisser le maïs profiter à sa guise !

Plus tard, avec la télévision, il y eut les films de gendarmes et de voleurs... Fort heureusement, seuls les voleurs se dissimulaient derrière un foulard, éventuellement une cagoule, parce que sinon, on n’eut su où devait aller notre sympathie.

C’est aussi à la télé que je vis des gens masqués des pieds à la tête et même au-dessus parce que leur tenue blanc immaculé se terminait par une pointe supérieure qui semblait narguer le ciel étoilé. Parce que ces gens-là – ce n’est pas très catholique, cette pratique – munis d’une torche, semblaient faire des misères principalement aux Noirs suspectés de ne pas rester à leur place d’esclaves. Paraît que ça s’appelait « Ku-Klux-Klan » ce mauvais bal masqué …

Si, par hypothèse, saisi d’une rage de dents, je me présentais angoissé au cabinet dentaire, le praticien qui maniait la roulette avec dextérité se masquait le bas du visage, c’était très certainement pour escamoter son rictus de jubilation lorsqu’il avait enfin extirpé la molaire. Mais je n’avais aucun doute sur l’identité du tortionnaire du jour : c’était un chirurgien-dentiste comme l’indiquait la plaque à l’entrée du cabinet dentaire et non pas le curé qui m’eut torturé pour me faire avouer mes péchés.

Tiens, le curé … Les rares fois en mon enfance où je fus entendu dans un confessionnal, le prêtre, sensé m’entendre en confession, se dissimulait derrière une grille, mais avec le sens de l’observation qui me caractérise, je pouvais reconnaître les tics du visage de l’abbé, celui-là même qui officiait pour la messe dominicale avant de se rendre chez Victoria à visage découvert, cela va de soi, pour boire son canon avec les croyants et les mécréants. Il n’était pas sectaire.

Ce que je conte là, ce sont des souvenirs de ma jeunesse qui remontent à la surface parce qu’aujourd’hui, le masque n’est pas une mode passagère pour celles et ceux qui entendent être « tendance » ; non, il est obligatoire de jouer à Carnaval tous les jours que le Bon Dieu fait …

Au passage, je m’interroge : a-t-on vraiment pensé à lui en décrétant l’anonymat généralisé ? De là-haut, vu son grand âge et sa vue certainement défaillante, il a du mal à reconnaître ses ouailles et rendez-vous compte de l’incidence pour Saint-Pierre, concierge du Paradis. Ainsi, à mon arrivée en Haut-Lieu, va-t-il m’interroger :

- Avez-vous respecté la consigne, mon Fils ?

- Oui, très Saint-Pierre, j’ai ramené les verres quand ils étaient consignés, mais c’est de la vieille histoire. Aujourd’hui, nous en sommes aux emballages jetables …

- Cessez de jouer l’innocence ! Avez-vous porté le masque partout ou c’était nécessaire et respecté les gestes barrières ?

- Je crois, Saint-Pierre, qu’il y a erreur sur la personne ! Vous pouvez remarquer que, malgré toute l’estime que j’ai pour les ovins, ( surtout en gigot d’agneau, penserai-je à part moi) comme vous l’avez entendu à ma voix, je ne fais pas partie du troupeau de Panurge.

- Vade retro Satanas ! Hors de ma vue, s’il en était mon désaccord avec lui sur certains points, je vous expédierais presto illico chez Lucifer !!!

Je me garderais de lui préciser que si l’expression « pavé de bonnes intentions » lui a donné une réputation douteuse, le masque n’y est sans doute pas de rigueur alors que les allées des jardins d’Eden sont à n’en pas douter parcourus par des tartuffes se dissimulant derrière des faces d’anges…

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