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Un reflet sur l'herbe, le soleil a pâli depuis longtemps.

 

Quel est donc ce phénomène ? Une pie tatillonne jacasse à son intention.

 

Suspecte attitude de ce volatile bavard ; fascinée par le spectacle, Mariette tente une prudente approche.

 

Criaillerie infernale, menaces au-dessus de sa tête, bec acéré, coléreuse envolée de plumes.

 

"Non mais, l'oiseau, crois-tu m'effrayer, je suis dans mon jardin. Retourne au nid, voir si j'y suis."

 

L'oiseau persiste, la servante aussi, ce n'est pas cet animal malpoli qui va la faire renoncer.

 

Rutilante, éclat argenté quelque peu rouillé, grattoir improvisé,

 

Fourche tordue, oubliée là, les travaux de printemps interrompus,

 

Vaillante à débusquer racines indésirables, tracer sillons, graines bien alignées,

 

Mottes de terre allégée, mousses et herbes démasquées...

 

Toujours là, à m'observer, regard couleur nuit, patiente l'agasse.

 

Plus rapide qu'elle, Mariette me ramasse.

 

Elle va me briquer, m'astiquer, foi de moi, brillance bien méritée...

 

L'autre n'a pas renoncé ; la suit pas à pas, bel oiseau, habit de demi-deuil.

 

"Et toi, grattoir improvisé, je vais te coucher dans un écrin, satin moiré."

 

" Et toi, brillant objet, sur lit de paille te déposerai, caché parmi mes trésors."

 

"Et moi, plus jamais salissante et dégradante corvée ne veut faire,

 

Enfin retrouver mes congénères, aspirer à goûter savoureux mets,

 

Décorer nappe de lin brodée, compagne du couteau argenté, murmures cristallins,

 

Bruits feutrés d'une serviette dépliée, reposer sur une porcelaine finement décorée,

 

Marquises poudrées, angelots rieurs, tendrement amoureux,

 

S'enfoncer jusqu'au vertige dans de tendres chairs, folâtrer parmi les feuilles d’une craquante salade,

 

Manipulée élégamment, portée à une bouche, effleurant lèvres pulpeuses, enfin pouv...

 

Je chute, sol carrelé, peau et plumes m'effleurent, cris et caquètements, je glisse...

 

Noir de ma cachette, prison étouffante, bruits de dispute lointaine."

 

" Non madame, je n'ai rien volé, madame est injuste, qu'est-ce que je vais devenir ?"

 

Pleurs, portes claquées, je plane, abandonnée dans mon linceul, heurte durement un obstacle,

 

"Aie!, et ça, c'est quoi ? Répondez !"

 

" Je ne l'ai pas volée, je vous jure ! Madame l'a oubliée au jardin. Je voulais la remettre à sa place.

 

Mais avant, il faut que je la nettoie. Madame voudrait-elle que je la range dans cet état, toute crottée,

 

Regardez, une branche est tordue."

 

«Faites-en ce que vous voulez, curez-vous les dents, grattez-vous le dos, jetez-la, je m'en moque !"

 

" On voit bien que madame est née avec une cuiller en or dans la bouche. Si vous le permettez, je vais la garder,

 

J'en ferai mes dimanches, de cette fourchette."

Tag(s) : #Textes des auteurs
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