Sur scène, un jeune homme nu, assis par terre, genoux au visage et bras autour des jambes, prostré, le regard vide. Une dame, la cinquantaine, entre et se fige en le voyant.
LA DAME (s'approchant avec précaution) : Bonjour…
LE GARCON (sans lever la tête) : Bonjour
LA DAME : Je suis confuse de vous importuner en pleine réflexion, mais… Que faites-vous précisément ?
LE GARCON : Rien.
LA DAME : Veuillez me pardonner, j'insiste… Pour quelle curieuse raison êtes-vous nu de tout vêtement ?
LE GARCON : J'fais ma semaine « sans ».
LA DAME : Votre semaine « sans » ? J'ai le regret de ne point saisir…
Le jeune homme lève la tête brusquement et fixe d'un œil insolent son interlocutrice.
LE GARCON (impatient) : Ma semaine « sans », ouai, ma semaine « sans », tout à fait ! Par exemple, voyez-vous, c'est une semaine sans habits ! Cela permet de méditer un peu sur l'extrême petitesse et la médiocrité de l'espèce humaine et devenir plus humble !
LA DAME (abasourdie) : Mais mon pauvre garçon, n'êtes-vous pas frigorifié ?
LE GARCON : Le froid est une sensation, je suis SANS sensations.
Il revient à sa position renfermée.
La dame s'approche alors et le pince fort sur le bras.
LE GARCON (sursautant) : AAAIIILLLLLE !! Non mais qu'est-ce que vous faites ??!!
LA DAME (s'étant éloignée, un sourire en coin) : Simple vérification… Je souhaitais m'assurer que vous puissiez ressentir quelque chose.
LE GARCON : Très drôle.
LA DAME : Ah !! Vous avez donc le sens de l'humour !
LE GARCON : Taisez-vous.
LA DAME : Non, je ne me tais pas ! Mais vous en revanche, comment se fait-il que vous puissiez parler ? Hein, qu'en pensez-vous? N'êtes-vous pas censé être sans voix ? Et d'ailleurs, tant qu'on y est, vous ne devriez même pas m'avoir entendu, puisque vous êtes sans ouïe ! J'ajoute également que vous êtes sans pensée et sans raison, donc à l'état végétatif primaire, et qu'est-ce qui fait alors de vous un humain ? Votre corps, peut-être … Ah, non, j'oubliais ! Vous êtes sans corps ! Bon, pour résumer, vous n'existez pas, et moi je suis là à discuter avec une hallucination. Et dans ce cas, il me semble que je perds bien stupidement un temps précieux. Je vous quitte donc à votre semaine « sans », et vous souhaite de bien en profiter ! Adieu, mon bonhomme !
LE GARCON (au public) : Ah les vieux alors… Comprennent rien aux nouvelles spiritualités et à la quête du soi…