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Herbeline : n. f. BOT Mauvaise herbe tenace. J’arrache l’herbeline.

 

Inqueresse : n. f. Litt. Sorte de Marâtre. Je ne baisserai point les yeux face à cette inqueresse.

 

Andaineux, euse : adj.Qui est gênant. Cette ampoule au talon est véritablement andaineuse.

 

Fébricule : n. m. Péjor. Personne mal attentionnée. C’est un fébricule, il n’arrête pas de critiquer son voisin.

 

Délitescence : n. f. ECON Art de contourner les lois tout en restant dans la légalité. Ce banquier à l’art de la délitescence.

 

Civadière : n. f. Cuis. Plat dans lequel on fait cuire le civet ou lapin à la sauce au vin. Je fais cuire mon lapin dans une civadière, qui mijote sur la gazinière.

 

Fribourg : n. m. ARCHI Boulevard dans lequel s’engouffre un air frisquet. Je ne passerai pas par le fribourg, il y fait trop froid.

 

Griannau : n. m. BOT Variété de cerises amères. Ces griannaux sont parfaits pour en faire de la liqueur.

 

Ergastule : n. f. MED Furoncle qui apparaît exclusivement sur les doigts. Ne touche pas avec tes doigts parsemés d’ergastules.

 

Itague : Expr. Signifiant que quelqu’un est en train de s’adonner à l’art de tagguer. Y’tag.

 

Malard : n. m. Péjor. Personne qui est toujours en train de se plaindre. Quel malard celui-là !

 

Nope : n. f. Rég. Désigne une toile que l’on met sur une table ou nappe. Allez la Marie, aide-moi à mettre la nope !

 

Ozalid : adj. Il s’agit d’une forme pas tout à fait définie. En forme d’ozalid.

 

Pagnoter : v. tr. [1] Fam. Se tripoter. Je te pagnote sous la table.

 

Palangrotte : n. m. ARCHEOL Habitat antique luxueux emménagé sous la terre, par peur de recevoir le ciel sur la tête. Les grands chefs gaulois vécurent, secrètement, le temps de leur règne, dans un palangrotte.

 

Ramender : v. intr. [1] Fam. Quémander une deuxième fois à une même personne. Arrête de ramender. Cela fait deux fois que tu me demandes la même chose.

 

Rogomme : n. f. ART  Gomme électrique qui fonctionne par mouvements rotatoires. Je vais effacer ces traits ave la rogomme.

 

Scramasaxe : n. m. Arg. Syn. de côtes. Avoir mal aux scramasaxes.

 

Huque : Interj. Pop. Manière de se saluer dans certains clans. Huque !

 

Poutrepailler : v. intr. [1] ARCHI Isoler une grange en ajustant de la paille sur les poutres. Avant l’hiver, je poutrepaille ma grange.


 

***

 

Préparation d’un repas.

 

— Marie, que faites-vous donc ? Il est déjà dix-sept heures !

 

— J’arrache l’herbeline, madame.

 

Ces herbes sont vraiment tenaces. Même le déherbant a du mal à en venir à bout. Il faut régulièrement repasser derrière et fignoler à la main.

 

Ma patronne est gentille avec moi, quoique toujours pressée. Elle est tout de même plus sympathique que sa belle-mère. Je ne baisserai point les yeux face à cette inqueresse. De toute façon, elle peut bien me traiter d’insolente, elle ne peut pas me renvoyer puisque ce n’est pas elle qui m’emploie.

 

Aïe ! Cette ampoule au talon est véritablement andaineuse. C’est à chaque fois pareil lorsque j’étrenne mes chaussures neuves.

 

Le mari de la patronne, lui, c’est un fébricule, il n’arrête pas de critiquer son voisin, ce cher Monsieur Gonstrin. Sûr qu’il est jaloux de sa situation. Faut dire que ce banquier a l’art de la délitescence. Grâce à lui, mon compte en banque ne s’est jamais aussi bien porté.

 

— Marie, quand vous aurez finit, allez me chercher ma civadière dans laquelle je fais cuire mon civet, et laissez-le mijoter sur la gazinière.

 

— Il faut que j’aille le récupérer chez Madame Alpon. Je ne passerai pas par le fribourg, il y fait trop froid.

 

— Vous allez vous rallonger. Dépêchez-vous.

 

De retour de chez Madame Alpon, ma patronne m’avance un bocal où des billes foncées pataugent dans un liquide brunâtre.

 

— Tenez Marie, vous prendrez bien une petite cerise ? Cela vous réchauffera.

 

— Ces griannaux sont parfaits pour en faire de la liqueur, acquiécès-je en dégustant le fruit sucré par l’alcool, et en me léchant les doigts.

 

Le mari rentre sur ces entrefaits et veut se servir également, vite rabroué par sa femme :

 

— Ne touche pas avec tes doigts parsemés d’ergastules, lui ordonne-t-elle.

 

Il préfère s’asseoir et faire son intéressant en lançant :

 

— Itague !

 

— Ah ces malotrus, intervient ma patronne, la police ne fait donc rien ? J’espère qu’ils ne vont pas peinturlurer le pan de mur de notre maison. Il paraît que c’est inenlevable.

 

— Je parie que c’est encore Monsieur Gonstrin qui t’as dit ça. Quel malard celui-là !

 

Laissant son mari critiquer son voisin à loisir, ma patronne débarrasse la table et demande :

 

— Allez la Marie, aide-moi à mettre la nope, imitant sa belle-mère.

 

Je ne peux m’empêcher de me gausser. J’en profite quand la vieille n’est pas dans les parages.

 

Tout en pensant au repas qui va se dérouler ici le lendemain midi, je pose au centre de la nappe un vase en forme d’ozalid. Dès le matin j’irai cueillir des fleurs pour égayer cette salle-à-manger trop austère à mon goût.

Vas-y que je te pagnote sous la table, pendant que je ferai le service. Je préférerais, comme les chefs gaulois, me retirer dans une palangrotte tellement ils me font honte.

Et la belle-mère qui se fera remettre à sa place par son fils à force de lui poser à maintes reprises la même question : « Arrête de ramender », qu’il lui assènera.

Mais elle n’est plus toute jeune, elle perd la boule. Elle essaye de faire la conversation mais ne réussit qu’à jouer les perroquets.

 

— Tenez Marie, voici le menu. Vous nous faites une belle présentation comme d’habitude.

 

Etant habile de mes mains, je recopie la liste des victuailles et illustre l’ensemble de jolis dessins de ma propre confection.

Ah ! Mon crayon a dérapé ! Je vais effacer ces traits avec la rogomme. Quelle machine révolutionnaire que Madame m’a achetée pour la Noël. Avec ça, tout est impeccable, pas de papier froissé.

 

Ce ne sont pas des gens ordinaires qui viennent déjeuner dans cette demeure. Il y a cette espèce d’écrivain qui n’utilise que l’argot pour s’exprimer. Je ne comprends rien à ce qu’il baragouine, à part cette phrase qu’il ressort à tout bout de champ, et que j’ai finit par apprendre : «  Il faut que j’arrête de rire, sinon je vais avoir mal aux scramasaxes ! » ou aux côtes, pour faire plus simple.

 

Il y a le petit fils de la patronne qui pour montrer son appartenance à un clan, sa rébellion – c’est de son âge, il est ado et boutonneux – salue en s’exclamant «  Huque ! » et en faisant un signe avec ces doigts.

 

Et un de leurs amis paysans qui, lui, n’utilise que son patois pour se faire comprendre. On se croirait revenu au temps des serfs et des vassaux. On va encore avoir droit à son : «  Avant l’hiver, je poutrepaille ma grange. »

Dix ans que je suis au service de ma patronne, et je dois avouer que je ne sais toujours pas ce que cela signifie.

 

C’est confus un repas où tout le monde parle un langage méconnu de l’autre. Comme si moi je parlais avec des mots sortis d’on ne sait où ?

Tag(s) : #Jeux littéraires
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