P231 Gisèle - « Un coin de paradis »

Un minuscule point noir sur la carte du monde, une île où la nature a sculpté tant de beauté, où le temps s’arrête, où la frénésie et la folie du monde moderne s’évanouissent pour mettre en scène l’essence pure de la vie sur Terre, un état de bonheur évanescent, intemporel. Un ailleurs unique où l’âme s’apaise et le cœur vibre.

En partance du large, le vent se gonfle, frétille d’impatience et frappe la côte avec vigueur, effritant au passage les falaises friables. Il bouscule tout sur son passage, s’amuse à décoiffer les dunes et faire danser le sable blond qui tourbillonne et s’entasse en monticules. Le chant de la mer et de ses vagues crée une symphonie orchestrée par le vent caressant. S’en suit une succession de va-et-vient puissants et d’écume dentelée qui meurt sur la plage aux mille trésors. Enlacés, mer et vent bavardent avec calme et parcimonie ou haussent le ton pour éructer leur puissance, leur rage ou leur jouissance. Ensemble, ils propagent des légendes, les laissent s’infiltrer jusque dans les terres où les habitants se les transmettent de génération en génération de pêcheurs, aux origines diverses, installés dans l’île aux mille promesses il y a bien longtemps. Ils jalousent leurs terres et se gardent d’être trop accueillants pour tout visiteur curieux, voire inquisiteur. Soleil et vent burinent leurs visages ridés et leurs corps exposés aux éléments du climat tropical dans lequel leur vie se déroule. Ils vénèrent la mer qui les entoure, Dame généreuse qui regorge de poissons aux chairs tendres et délicieuses, de fruits au goût délicat qui font l’envie des classes fortunées du continent. Leur île est d’une beauté à couper le souffle, la flore y est riche et abondante, elle offre aux insectes et oiseaux subsistance en abondance et parfume l’île d’émanations capiteuses. À la beauté et au charme de cette nature incroyable se lient les effluves iodés de cette mer énigmatique, aux nombreuses histoires réelles ou inventées de toute pièce par l’homme qui l’aime et la magnifie. Au murmure des jours calmes se mêle le dialecte chantant de ces hommes, femmes et enfants, gardiens de ce joyau précieux. L’instant présent les comble, l’hier ne les intéresse déjà plus et ils ignorent avec insouciance de ce que demain sera fait. Bien ancrés dans leur vie aux mille défis, aux mille plaisirs et aux mille difficultés, ils avancent sur la route de leur vie dans un abandon enviable. La beauté qui les a vu naître et qui les porte tout au long de leur aventure terrestre leur suffit.

Le doux chuchotement du vent enlace les plantes et fait danser les tiges de cette flore colorée et odorante. Le ramage des arbres se déhanchent au rythme du jour. Un jardin d’Eden, un paradis secret, jalousement gardé.

Quelque part sur cette Terre agonisante, survivent des perles scintillantes, gardiennes de beauté et de simplicité sous la gouverne d’un océan enjôleur et de vents caressants, effleurant chaque particule, chaque élément dans un concerto harmonieux et enchanteur.